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Télé-université

Table d'échanges d'expertises et d'expériences pédagogiques en formation à distance
ÉDITION 2000-2001

Serge Roy
Télé-université
455, rue de l'Église
C.P. 4800, succursale Terminus
Québec (Québec)
G1K 9H5
Courriel : [email protected]
Site Web : http://www.teluq.uquebec.ca

Contexte

Je vais essayer de résumer mon propos autour de trois thèmes :

  • Une journée d'encadrement qui a eu lieu à la Téluq au début de l'automne.
  • À partir d'un texte d'Alan Kay.
  • Un troisième thème qui serait l'animation de groupe et l'esprit réseau.

Une journée d'encadrement

Lors de la journée d'encadrement, à partir d'analyses de réactions d'étudiants, on s'est demandé comment on pouvait améliorer la fonction d'encadrement.  Une des conclusions sur  laquelle les participants se sont entendus, c'est qu'en formation à distance le plus gros problème des étudiants en est un de motivation.  Ce problème est particulièrement criant dans les trois premiers cours, c'est-à-dire  quand les gens commencent à étudier à distance.  C'est là où il y a le plus haut taux d'abandon.  Une des conclusions à laquelle on est arrivé, c'est qu'il faut d'une part des tuteurs cours et d'autre part des tuteurs  programmes.  Présentement cette deuxième catégorie n'existe pas pour plusieurs programmes.

Réflexion sur un texte

Alan Kay est un des pionniers du travail sur ordinateur et particulièrement du travail avec  des enfants dans un contexte pédagogique.  J'apporte ici deux citations pour soutenir mon propos : « Les pianistes savent que la musique n'est pas dans le piano, que c'est un sentiment qu'ils communiquent grâce à leur instrument. » et « Peu importe ce que nous avons devant nous, des livres, des télévisions ou des ordinateurs, seule compte la motivation des étudiants et les connaissances qu'ils acquièrent réellement. »  Avec ça je me dis qu'avec le développement des nouvelles technologies et l'engouement suscité chez presque tout le monde, je vois un danger de « technocratisation ».  Il faut garder le contact avec l'étudiant.  Il ne faut pas oublier l'importance du processus d'apprentissage.  Les nouvelles technologies nous offrent beaucoup de moyens, mais ce qu'on a tendance à oublier c'est l'importance de l'encadrement.  Il faut multiplier les contacts entre  apprenant, tuteur, professeur et apprenants eux-mêmes.  Il faut intégrer ce niveau de communication dans les nouvelles technologies pour qu'il y ait un acte d'apprentissage.  Il faut mettre de l'âme en formation.  Ce  qui semble demander le plus d'attention en formation à distance c'est la zone du climat qu'on pourrait aussi appeler la zone du socio-affective.  C'est par là, qu'on peut développer de la motivation.

L'esprit réseau

Il faudrait créer un esprit réseau.  Concrètement cela peut se faire par des téléconférences multi-étagées.  Cela peut prendre la forme d'une conférence, à l'intérieur d'un cours, qui permet aux étudiants et au professeur d'échanger sur les contenus.  Il devrait y avoir, au-dessus de ça, une autre conférence par orientation, dans le programme.  Cela serait à compléter par des conférences « Café » pour socialiser et « Dépanne »  pour les problèmes techniques.  En plus aussi, au sujet des savoirs ou des expertises particulières, il devrait y avoir ce qui est parfois appelé « des collèges invisibles » qui permettraient un autre niveau de  téléconférence.  L'idée c'est de rendre possibles des communications croisées pour développer des affinités et des intuitions aidant l'apprentissage.  C'est tout le domaine du savoir qui est à partager.

 Texte de soutien de Serge Roy pour la table d'échanges

« Les pianistes savent que la musique n'est pas dans le piano, que c'est un sentiment qu'ils communiquent grâce à leur instrument…. L'ordinateur est le plus grand  piano jamais inventé : c'est le plus grand vecteur de représentation jamais créé. »

Après cette métaphore très imagée, Alan Kay pose une question dont les réponses peuvent nous servir de cadre de réflexion dans notre recherche des meilleurs moyens pour encadrer les étudiants dans le futur campus virtuel de la Téluq. : « Puisque la musique n'est pas dans le piano, à quoi peuvent servir les moyens de communication ---nos nouveaux pianos-- dans les écoles  et ailleurs ?  On répond partiellement à cette question en envisageant les pièges des moyens de communication.  Peu importe ce que nous avons devant nous -des livres, des télévisions ou et des ordinateurs-- ; seules  comptent la motivation des étudiants et les connaissances qu'ils acquièrent réellement. »

Voilà un des points essentiels qui se dégage des discussions de la journée d'encadrement.  Comment faire naître et supporter la motivation des étudiants dans leur difficile effort d'apprentissage ?

Comme la musique n'est pas dans le piano, on peut croire que la pédagogie n'est pas dans la technologie.  Mais cette grande panoplie d'outils peut  certainement nous aider dans notre tâche.

Bien que la technologie ait pu être, à ses débuts en pédagogie, un facteur de motivation grâce entre autres à sa nouveauté, ce facteur ne peut plus jouer autant aujourd'hui.

La question  primordiale devient : Comment utiliser cette puissance virtuelle dans un contexte d'apprentissage et d'humains en interaction.

Le contact
J'ai pu expérimenter trois façons d'interagir et d'enseigner à distance.

  • Une rencontre ou un atelier de 2 jours en face à face venait compléter l'enseignement à distance.
  • Un contact par téléphone et le courrier postal.
  • Un contact exclusivement par courriel.

La relation établie avec les étudiants est très différente d'une méthode à l'autre.  Dans l'encadrement par courriel, je n'ai aucune connaissance de la personne à qui j'ai affaire (entre autres je pourrais facilement être  floué lors de l'évaluation).  Le téléphone me permet de cerner une partie de la personne à qui je parle, sa motivation, ses craintes.

Et l'atelier dont le sujet est la mise en pratique des techniques de l'animation de groupe me permet de connaître les étudiants.  Non seulement parce que je peux leur parler et voir leurs réactions mais aussi et surtout je peux les observer réagir dans un contexte socio-affectif dont l'objectif est l'appropriation d'un savoir et de ses habilités correspondantes.  Et il est étonnant de constater la différence dans les échanges après cette rencontre.  Une relation de personne à personne s'est établie.

Les étudiants qui sortent de l'atelier sont motivés, même s'ils arrivent souvent à contrecœur.  Le contact est la clé de ce succès.  Il faut être capable par les nouveaux moyens technologiques de recréer une partie de cette intensité.  Entre autres par la communication entre pairs et par un lien fort et signifiant entre les étudiants et la personne qui les encadre.  Cela semble particulièrement important dans la phase d'initiation à l'enseignement à distance, soit  la période des 3 premiers cours qu'un étudiant suit.

Comme mon expertise est double en tant qu'animateur de groupe et spécialiste des nouvelles technologies, je crois possible de faire converger les connaissances développées par  ces deux disciplines en une pédagogie à distance.

Car « si la distance n'a pas d'importance » a pu être un très bon slogan publicitaire pour une compagnie de téléphone, elle n'est pas en soi un bon principe pédagogique.  Il faut pallier cet effet de distance, propre à la technologie utilisée, par un bon aménagement de l'espace de communication.  On doit recréer dans le virtuel, ce que tout bon animateur fait quand il aménage le lieu physique lors d'une rencontre en face à face.  Ce principe est primordial et a une grande influence sur la qualité et l'intensité des échanges.  Essayez d'animer un groupe de 10 personnes dispersées dans une salle qui peut en contenir  30 est presque impossible.  Pourquoi penser pouvoir le faire avec des personnes qui ont les yeux fermés et dispersées à des milles à la ronde.

Souvent en milieu universitaire, l'accent est mis sur le contenu au détriment des  processus d'apprentissage ; en contexte d'enseignement à distance cette erreur me semble fatale, et les résultats des différents sondages auprès des étudiants semblent bien le démontrer.  Avec le virage technologique et  l'institution de campus virtuels, il me semble primordial de ne pas prendre des vessies pour des lanternes et de faire de la technologie une méthode pédagogique.  Il s'agit d'outils performants et souples, mais les plus grands  dangers qui guettent la Télé Université et ses consœurs sont de se technocratiser de plus en plus, de transformer les étudiants en clients payants (ce qui n'est pas une erreur si l'essentiel est respecté) et de faire de la logique  marchande et technologique le support à la pédagogie.

Oui, le contenu est important et essentiel mais la courroie de transmission qui fait que ce contenu passe d'une tête à l'autre ou  mieux de sujet à sujet ou d'être à  être, est plus essentielle encore.  Et n'en déplaise aux technocrates, la technologie ne parviendra jamais à remplacer le support humain, à moins bien sûr, que l'objectif final, que personne n'a encore osé formuler à voix haute, soit que des robots enseignent à d'autres robots.

Voici la référence anglaise et française de l'article d'Alan Kay et une courte description de qui il est.

L'article original anglais "Computers in Education" est paru dans un numéro spécial de Scientific American en 1995 : "The computer in the 21st century."  La version française sous le titre "L'enseignement assisté par les ordinateurs en réseaux" dans Pour la science no 169 portant le titre Communication ordinateurs et réseaux, une traduction complète du Scientific American précité.  Bien que l'article donne surtout des exemples pour le primaire, le questionnement théorique peut s'appliquer au contexte universitaire.

Alan Kay est un visionnaire des nouvelles technologies de communication, qui a réalisé ces dernières années beaucoup de recherches action dans le domaine des applications pédagogiques de l'ordinateur auprès de jeunes  enfants de milieux défavorisés.  C'est un visionnaire pragmatique puisqu'il était des premières équipes qui ont élaboré les interfaces graphiques à la « W indows » au centre de recherche Parc dans les années 70.  Par la suite il dirigeait l'équipe, qui chez Apple a réussi la première implantation commerciale de ces concepts.  Pour faire image, disons qu'il possède les qualités de Windows sans traîner les défauts de Microsoft.

 

Rapport

© 1998-2002 REFAD

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Mise à jour: 4/3/2002