Table d'échanges
d'expertises et d'expériences pédagogiques en formation
à distance:
22 Novembre 2001
Thème : « Le développement de compétences
pour l'apprentissage à distance : quelles sont les conditions
de réussite? »
Les intervenants ayant participé à cette audioconférence
étaient :
- Mireille Beaulieu-Caron (Campus de Shippagan de l'Université
de Moncton; Nouveau-Brunswick)
- Martin Beaudoin (Faculté St-Jean; Alberta)
- Lise Bégin-Langlois (Faculté de théologie
et de sciences religieuses, Université Laval; Québec)
Se sont également joints à titre d'observateur (trice)s
:
- Michel Duncan (Société éducative du Nouveau-Brunswick)
- Louise Marchand, Jean Loisier et Paul-Armand Bernatchez; GRAVTI,
Université de Montréal; Québec)
- Denise Vigneault (Université Laval, Québec)
Rappel : Le texte qui suit fait état de réflexions
et de pistes de solutions qui proviennent d'un débat où
étaient invités des intervenants du milieu. Il s'agit
d'un compte-rendu d'échanges dans le cadre d'une audioconférence
proposée par le REFAD.
Mise en contexte :
Nous ne voulons pas nous enfermer ici dans la définition
du mot « débat ». Au sens large, qui dit débattre,
dit aussi discuter. Nous n'aurons donc pas nécessairement
des positions contradictoires, mais si nous en avons, très
bien. Ce sur quoi nous voulons mettre l'accent cette année,
c'est la dimension discussion de nos échanges par opposition
à ce qui s'est fait dans les années précédentes
où il y avait une certaine emphase mise sur la dimension
présentation. Cette année, nous privilégions
donc d'aller tout de suite au cur du contenu. Ce qu'on souhaiterait
obtenir à la fin des quatre tables d'échanges. Ce
sont des pistes réelles de solutions en regard de la thématique.
Il n'y a peut-être pas ici de problème au sens strict
du terme, mais il y a certainement dans la littérature,
dans la recherche, dans les discussions et dans la pratique sur
le sujet que nous abordons, un questionnement qui s'amplifie avec
le phénomène de la e-formation. Il semble alors
plus qu'intéressant de se pencher sur la question des compétences.
Quelles compétences faut-il pour enseigner et apprendre
dans l'environnement de la formation à distance? De quoi
parle-t-on quand on parle de compétences? Il y a certes
plusieurs définitions possibles. Retenons ici, pour amorcer
la discussion, la définition de Legendre (1993) qui parle
d'habiletés acquises grâce à l'assimilation
des connaissances pertinentes et à l'expérience,
qui consistent à circonscrire des problèmes spécifiques.
Ce qu'on souhaite donc, c'est d'avoir ici des échanges
sur les compétences nécessaires pour travailler
en formation à distance, et ce, autant du côté
des concepteurs et des différents intervenants que du côté
des étudiants. Nous avons proposé des pistes. Ce
que nous espérons faire c'est discuter autour de ces questions,
en débordant au besoin, afin de se faire tous ensemble
une tête sur des façons de circonscrire le sujet
et d'améliorer les pratiques en ce domaine. Entrons maintenant
dans le vif du sujet.
Les compétences
tout d'abord pour qui?
En révisant les questions proposées pour cet échange,
il apparaît dès la première intervention plutôt
approprié de commencer par l'axe des apprenants. En faisant
quelques schémas à partir de ces questions de départ,
on peut se dire qu'on tombe possiblement dans un piège
en abordant la question par l'angle du concepteur par exemple.
Ces schémas peuvent être représentés
par de grands cercles pour chaque axe de discussion, en allant
du concepteur à l'encadrement, de l'animation des échanges
à l'évaluation des étudiants. Quand on arrive
à l'étudiant, on se rend compte qu'on devrait toujours
commencer par celui-ci. C'est l'étudiant qui est au cur
du processus d'apprentissage et c'est à partir de ses besoins
qu'on devient plus en mesure de préciser ce qu'on veut
lui offrir, ce qu'on peut lui offrir et ce qu'on va demander au
concepteur. Il est intéressant de noter qu'un consensus
s'établit naturellement ici sur le choix de l'étudiant
comme centre et point de départ à la discussion.
L'apprentissage en images et en couleur
En utilisant le dessin comme façon d'imager ce qui doit
être discuté, ce qui est frappant, c'est qu'on en
arrive rapidement au constat que l'apprentissage, ce n'est pas
après tout si différent, que l'on soit à
distance ou en présentiel. Les compétences nécessaires
pour faire cheminer un étudiant semblent bien souvent les
mêmes. À partir d'un grand cercle jaune central,
comme dans une fleur, et qui représente l'étudiant,
il est possible d'ajouter plusieurs autres cercles de couleurs
différentes, comme pour faire les pétales d'une
fleur, et qui représentent les concepteurs, les accompagnateurs,
les évaluateurs, etc.. Quand on regarde une fleur, on se
dit que les abeilles vont aller butiner dans le cur de la
fleur, qu'elles vont ensuite aller polléniser et qu'il
va se passer autre chose ensuite. C'est un peu comme ça
qu'on peut aborder cette problématique de l'apprenant dans
un environnement d'apprentissage. Dans les questions de départ
proposées, il y avait comme trois volets. Le premier touche
l'étudiant et les compétences nécessaires
pour apprendre à distance. Il semble que l'étudiant
devrait développer des stratégies d'apprentissage
mais d'abord développer le goût d'apprendre à
apprendre. Olivier Reboul a écrit un texte sur l'apprentissage
où il précise trois différences en apprentissage.
Il parle « d'apprendre à savoir faire, d'apprendre
que (recevoir des informations) et d'apprendre en donnant du sens
». On peut apprendre par exemple qu'il y a une guerre en
Afghanistan, on peut apprendre à tricoter un chandail et
on peut apprendre, dans le sens de comprendre, en faisant des
liens. Donc, quelqu'un peut apprendre à tricoter un chandail
de laine pour l'expédier à un enfant dans le besoin
suite à la guerre qui sévit dans son pays en Afghanistan.
Il a appris que, ce qui l'a amené à apprendre à
et il a donné un sens à son apprentissage. Ça,
il semble que ce soit une compétence qu'on doit amener
ou développer chez l'étudiant. Cela doit revenir
aussi dans la conception même du cours. Puis par rapport
à l'étudiant, on doit probablement accepter et apprendre
à être parfois déstabilisé. Quelqu'un
a déjà dit que la distance déstabilise. C'est
peut-être vrai, mais au fond, ce serait peut-être
plus l'isolement qui déstabilise que la distance. Et ne
peut-on pas se retrouver dans une classe et se sentir tout à
fait isolé aussi?
L'autonomie pour permettre la découverte
On doit aussi apprendre à construire son autonomie. Ce
serait même une première compétence à
développer. Ce n'est pas toujours naturel
Il faut
donc réaliser qu'il y a là quelque chose à
construire en se créant notamment un réseau d'échange.
Quand on est à distance, on est souvent isolé, et
c'est là-dessus qu'il faut travailler. On a besoin d'échanger
avec les autres, on a besoin de se confronter à de nouvelles
idées, à de nouvelles façons de faire. Les
conditions de réussite par rapport à l'étudiant
passent très probablement par une prise de conscience de
cette situation.
Sur le plan de la médiatisation ou de l'environnement
hautement médiatisé, il faut regarder ce qui se
passe avec un étudiant peu expérimenté avec
les médias ou les habilités techniques. Lorsque
l'on parle de problèmes de développement de compétences
dans une situation semblable, il faut être plus du côté
des étudiants que des professeurs, être conscients
des besoins que les gens ont en formation à distance. Un
de ces premiers besoins, croit-on, c'est de développer
de la confiance en soi et un goût aiguisé de la découverte.
Il faut apprendre à remettre sur le métier nos façons
d'aborder l'apprentissage, apprendre à reconnaître
nos limites et surtout apprendre à dépasser ces
limites. Il y a parfois une barrière psychologique qui
se dresse. Il faut apprendre à traverser cette barrière.
Denys Lamontagne écrivait dans une préface de livre
« je promeus l'utilisation des TIC dans l'enseignement parce
que leur usage stimule et provoque la responsabilisation des individus
au regard de l'apprentissage, autant chez les étudiants
que chez les professeurs ».
Rigueur et curiosité
Il semble donc qu'il faut construire l'autonomie parce que celle-ci
n'est pas nécessairement innée chez tous les étudiants.
Si on s'attarde aux éléments importants à
considérer, il y a aussi très certainement la discipline,
ou l'autodiscipline. Que l'on parle de remettre les évaluations
au moment déterminé, que l'on parle de se bâtir
un échéancier et de le respecter ou que l'on parle
de la gestion de son propre cheminement, il est question, dans
tous ces cas, de placer une certaine dose de rigueur dans la discipline
personnelle. La curiosité et la débrouillardise
s'inscrivent aussi très probablement dans les compétences
d'apprenant qu'il faut souligner. C'est tout spécialement
vrai quand il est question de cours en ligne. L'étudiant
doit aller chercher l'information, doit savoir à quelle
porte aller frapper et, en ce sens, il faut recourir à
un certain niveau de débrouillardise. Il faut savoir dépasser
ses limites traditionnelles. Par ailleurs, la motivation, qui
ne doit peut-être pas ici être définie comme
une compétence, doit être bien présente. Dans
certain cours en ligne, comme on n'est pas porté par une
dynamique de groupe, il faut puiser dans notre motivation personnelle
pour aller plus avant et trouver des moyens, parfois nouveaux,
de poursuivre jusqu'au bout. Un point qu'il faut soulever ici,
c'est la facilité d'accès à l'équipement.
Si on veut apprendre à distance et qu'on a pas l'équipement
requis, il y un problème potentiellement important. Ici,
ce n'est certes pas une compétence, mais on peut parler
de conditions favorables peut-être incontournables pour
le succès du projet d'apprentissage. Sur ce point et en
revenant aux compétences, on peut parler de connaissances
en informatique, de techno-compétences, qui doivent préalablement
être acquises, du moins minimalement, pour ne pas saboter
la démarche. Si les connaissances de bases ne sont pas
là, ça peut être très ardu. Il faut
garder en mémoire le besoin de développer des stratégies
pour gérer et organiser son apprentissage. Cela vaut à
tous les plans qui viennent d'être abordés.
Ouverture d'esprit et patience
La curiosité apparaît comme un élément
important qui est probablement fortement lié à l'autonomie.
On a souvent l'impression que les étudiants les plus autonomes
sont souvent les plus curieux
ou les plus curieux sont souvent
les plus autonomes. Y a-t-il réciprocité? Y a-t-il
un sens, une direction? Cela reste à voir. L'étudiant
doit dans une certaine mesure être intrigué ou curieux
du médium, d'une part, et de la matière aussi, d'autre
part. Chez les étudiants à distance que l'on a l'occasion
d'observer, les meilleurs étudiants semblent souvent être
ceux qui sont aussi curieux de la matière que du médium.
C'est une question pour eux d'explorer comment le médium
va faciliter ou rendre l'apprentissage différent. Un autre
facteur est également assez important, c'est l'ouverture
d'esprit, parce que très souvent le matériel pédagogique
propose une forme d'interaction qui n'est pas celle que l'on retrouve
habituellement en salle de classe. En salle de classe, on peut
peut-être plus facilement s'adapter, changer l'atmosphère.
Si les étudiants ne comprennent pas, par exemple, on peut
faire un dessin, on peut lire un texte, on peut varier les modes
de présentations. À distance, ce n'est pas toujours
possible, on ne peut pas toujours percevoir ça. En vidéoconférence,
on a déjà une idée plus précise, mais
par le Web et par courrier électronique c'est très
difficile. Il faut donc une certaine ouverture d'esprit de la
part de l'étudiant pour composer avec de nouvelles réalités
qui font parfois appel au monde du virtuel. Une autre qualité
requise : la patience. Que ce soit par vidéoconférence,
via le Web ou d'une autre façon, si l'étudiant n'est
pas armé de patience ça n'ira pas tout seul. Il
y a des serveurs qui tombent en panne, il y a des connections
qui tombent, il y a différentes interruptions et dans tous
ces cas la patience est nécessaire. Sinon on se décourage
et les conséquences peuvent vraiment ne pas être
heureuses. Il faut aussi, dans certains cas, une nécessité
à collaborer ce qui, dans une salle de classe, devient
plus naturel parce qu'on est en contact physique. Mais à
distance, il faut parfois se forcer pour le faire, le rendre requis
par le cours. À un niveau avancé, cela devient de
plus en plus important et c'est là que les bons outils
de communication ne sont pas toujours en place. Et cela n'aide
pas.
Que retient-on comme compétences essentielles?
On vient de mettre en lumière un certain nombre d'éléments
à prendre en compte. S'il s'agit de compétences,
on doit pouvoir les développer par un moyen ou par un autre.
Or, si l'on fait une représentation graphique de ce dont
nous venons de parler, il pourrait être possible d'en arriver
à ceci :
S'agit-il vraiment de compétences?
Il semble bien qu'on s'entende sur le fait que ce ne sont pas
vraiment des compétences, mais des conditions de réussite.
La patience et l'autonomie sont peut-être là, mais
ce n'est pas acquis de façon extrinsèque, mais bien
de façon intrinsèque. C'est quelque chose qui se
développe, ce n'est pas quelque chose qui s'apprend. Si
nous voulions bâtir un tableau pour représenter la
chose, nous aurions besoin de deux colonnes. Une pour les compétences
et une pour les conditions. Dans la colonne des compétences,
on n'a peut-être pas grand chose actuellement, mais il y
a la conscientisation, parce que cela peut être une habilité
acquise. On a un bagage de connaissances et tout à coup,
grâce à l'expérience, on se rend compte qu'il
faut être conscient avant d'entreprendre une démarche.
Cette conscientisation là, en tant qu'étudiant,
m'amène à dire que ça prend de la curiosité,
il faut que je m'organise, il faut que je sois motivé et
plus autonome. Cela m'interroge sur les conditions nécessaires
pour réussir. Au départ, il semble que ce soient
des aptitudes ou des conditions qui mènent vers les compétences.
Cela va aussi inclure, en temps et lieu, les connaissances techniques.
La conscientisation et l'ouverture
Par la conscientisation, l'étudiant va pouvoir mettre
en place les conditions favorables à la réussite
de son projet d'apprentissage. Et qu'en est-il de l'autonomie?
Il semble clair qu'il peut y avoir un développement de
l'autonomie, mais ce n'est pas certain que cette autonomie soit
plus acquise que développée. L'autonomie ne vient
pas de l'extérieur. On ne peut pas implanter de l'autonomie
chez l'étudiant. Ça se construit mais c'est l'étudiant
qui doit la construire. Personne ne peut la construire pour lui.
Et il n'est même pas toujours évident d'avoir un
consensus sur la définition même de l'autonomie.
Jean-François Malherbe a écrit un livre qui s'appelait
« Les équivoques de l'autonomie » dans lequel
il parlait du concept d'autonomie réciproque. L'autonomie
ne semble pas se développer toute seule. Une des conditions
c'est d'aller chercher ailleurs ce dont on a besoin. Par exemple,
il disait « Chacun est un tissus dont les fils sont ses
interactions avec tous les autres». On se construit à
partir de ce qu'on va chercher ailleurs. Il faut bien distinguer
ici entre autosuffisance et autonomie. Être capable de s'ouvrir
aux autres et de recueillir chez les autres ce qui est susceptible
de nous aider, voilà aussi ce qu'est l'autonomie. L'ouverture,
c'est aussi une des conditions pour construire l'autonomie.
Jusqu'ici, dans ce qu'on peut classer vraiment comme des habiletés,
en fonction de la définition que nous en avons, on retrouve
des compétences techniques, on a aussi une capacité
à collaborer, une capacité à faire collaborer,
à faire du travail en équipe, et chose assez étonnante,
une capacité à communiquer qui peut s'exprimer en
termes de compétences. Que pourrait-on traduire d'autre
en termes de compétences? Probablement aussi la capacité
de développer des stratégies d'apprentissage. On
parle ici de stratégies d'apprentissage pour mieux apprendre
à apprendre et aussi pour apprendre à bien utiliser
le médium.
Les moyens de développer ces compétences
Par différentes stratégies, il apparaît relativement
facile de mettre des moyens en place pour contribuer au développement
des compétences. Il serait par exemple possible d'avoir
un site sur lequel on pourrait énoncer des façons
de retirer plus d'un cours à distance. En ce qui concerne
les compétences à communiquer et à collaborer,
ça peut se faire aussi. Il y a différents trucs
et des outils pouvant être offerts. La variété
des approches et des stratégies, particulièrement
en formation Web, semble être une bonne approche. On peut
parfois avoir recours à un babillard, au clavardage (chat),
à une liste de distribution (listserv). Plusieurs modèles
existent et même s'il n'y a rien de parfait, la variété
des approches est susceptible de donner les meilleurs résultats.
Il faudrait peut-être, dans certains cas, un mini-cours
de communication sur le Web, en amont d'une formation médiatisée.
La difficulté, c'est que souvent le mandat touche une matière,
un contenu bien précis et que les besoins d'apprentissage
pour un sujet donné débordent justement du sujet
en question. Les étudiants ne savent pas toujours comment
poser leurs questions lorsqu'elles surviennent dans ces nouveaux
environnements d'apprentissage. Il faudrait peut-être qu'ils
commencent par apprendre ça
La communication, ça
commence par des choses simples.
Pour que les nouveaux outils soient acceptés et utilisés
par les étudiants, il faut d'abord leur faire réaliser
qu'ils vont en retirer quelque chose. Pour prendre, par exemple,
un mini-cours de communication sur le Web, Il faut que l'étudiant
voit quels en sont les avantages pour lui. C'est par là
qu'il faut commencer. Il faut vendre à l'étudiant
l'intérêt de venir découvrir comment poser
des questions, comment collaborer ou travailler sur un sujet.
Il faut chatouiller sa curiosité. Pour qu'un outil soit
utile, il faut que l'utilisateur reconnaisse sa valeur. Il faut
que ça fasse sens dans son contexte. Avant de rejoindre
tout le monde, il faut rejoindre chacun!
Nous pouvons maintenant identifier un certain nombre de compétences
ainsi que des conditions de réussite. Il est possible d'en
faire la représentation suivante :
Et du côté des concepteurs
On s'intéresse ici à la notion de conception, sans
égard à une appellation spécifique pour l'intervenant.
Il peut donc s'agir d'un concepteur, d'un élaborateur,
d'un professeur, bref, il s'agit de la personne qui développe
ce qui deviendra un cours. Pour la formation en ligne, un premier
commentaire indique que pour plusieurs il s'agit d'un champ de
pratiques parsemé d'un certain nombre de nouveaux défis.
On se retrouve souvent en mode d'exploration et de découvertes
et on avance à partir de ce qui est déjà
connu en pédagogie. Il faut donc avoir de bonnes bases
en élaboration de cours, être capable d'établir
des objectifs clairs que l'apprenant fera siens. Il importe aussi
d'avoir du matériel très bien structuré et
de proposer une vue d'ensemble du cours et de ses modules. Il
faut donc, en terme de compétences, être organisé
et être capable d'une bonne communication pour le travail
à réaliser en équipe. Meilleure sera la communication
au sein de l'équipe de développement, meilleures
sont les chances de mettre en place ce qui pourrait être
appelé une bonne communication éducative. Et puisque
l'on parle ici de formation à distance, il faut que la
formation soit faite dans le but de transférer la responsabilité
de l'apprentissage aux les mains de l'apprenant. Enfin, le design
doit respecter le style d'apprentissage de l'étudiant.
Il faut que le concepteur ait l'humilité de se mettre dans
la peau de l'étudiant pour mieux comprendre l'approche
idéale à adopter. Donc, là encore, c'est
l'étudiant qui est le noyau. Il ne faut pas le perdre de
vue dans l'élaboration et la conception d'un cours.
Un concepteur compétent c'est
Pour le concepteur, il y a aussi deux façons de voir ce
que doivent être les connaissances techniques minimales.
Il peut être souhaitable d'avoir un concepteur qui a moins
de connaissances techniques, simplement pour qu'il puisse rêver!
C'est plus facile parfois pour un novice en technologie de dire
« J'aimerais ça avoir ceci ou cela
»
que pour celui qui est un expert dans ce que la technologie permet
ou ne permet pas. Il peut donc y avoir des avantages, pour un
concepteur, à avoir beaucoup de connaissances techniques
mais il y a aussi des avantages à ne pas beaucoup en avoir.
S'il est approprié de distinguer pour les étudiants
entre les conditions de réussite et les compétences,
il est aussi probablement approprié d'adopter la même
approche pour les concepteurs. Il faut avoir une vision pédagogique
claire et des connaissances dans le domaine. On pourrait ici,
par exemple, faire référence à un modèle
théorique comme l'approche behaviorale ou le modèle
rogérien. Il faut se connaître, savoir à quelle
enseigne on loge, quelles sont les valeurs que l'on souhaite mettre
à profit. On ne pourra peut-être pas satisfaire tous
les styles d'apprenant mais on peut toujours être conscient
de leurs besoins. Il faut être conscient, il faut avoir
une vision pédagogique, il faut reconnaître la valeur
du design. On va faire nécessairement des choix. On peut
aussi parler des connaissances du domaine qui sont des connaissances
qui se développent aussi.
Pour résumer, encore une image :
Pour le concepteur, on pourrait aussi ajouter qu'il
faut avoir le souci d'offrir un éventail de choix tout
en évitant la surcharge d'informations qui peut se traduire
par un encombrement cognitif. C'est sûrement une habileté
à bien doser ce qu'on propose. Il ne faudrait pas non plus
oublier, quand on construit un cours, d'avoir un intérêt
pour faire construire des connaissances par l'étudiant
à partir de ses acquis. Il est très intéressant
d'aller chercher ce que l'étudiant connaît déjà
du domaine énoncé. Sur cette base, on peut alléger
la charge de travail perçue sans rien retrancher aux objectifs
visés. Il faut aussi probablement prévoir une variété
d'activités d'apprentissage qui favorisent à la
fois la créativité et l'application des connaissances
en contexte. Enfin, et c'est loin d'être négligeable,
il faut avoir de la passion pour ce que l'on fait. Ça,
c'est contagieux et pour une fois, c'est tant mieux.
Certaines recherches proposent qu'entre un cours à distance,
en ligne ou ayant recours à différents médias
et un cours dit conventionnel, il y a surtout une différence
de relations séquentielles. Dans un cours conventionnel,
par exemple, un étudiant qui a une distraction peut se
pencher vers son voisin pour demander où on en est. Quand
on est en ligne ou quand on est seul devant son ordinateur, l'étudiant
est obligé à une certaine autonomie dans la mesure
où il est obligé de compter d'abord sur lui-même.
Même s'il existe d'autres moyens de communication, il reste
que c'est différent. La compétence première
est peut-être d'être capable de se débrouiller
tout seul sur des éléments de base sur lesquels
il a l'habitude de compter, sur un collègue par exemple.
En ligne, on n'a pas ce soutien là. Et là, si l'on
prend un miroir, c'est peut-être de considérer que
la première compétence du professeur est de prévoir
et de se mettre à la place de l'apprenant. Il n'y a pas
de petits problèmes pour un étudiant en ligne. Il
n'y a que des problèmes auxquels il faut trouver des solutions
pour poursuivre une démarche d 'apprentissage. En présence,
il y a d'autres avenues de communication qui sont habituellement
absentes quand on parle de cours en ligne. Cela ajoute à
la problématique du développement approprié
de l'autonomie.
Et pour l'encadrement de l'étudiant
Un intervenant dont le mandat est d'encadrer doit sûrement
être là, en premier lieu, pour favoriser la prise
en charge par l'apprenant de sa démarche. Sur le plan cognitif,
une des compétences essentielles est de bien maîtriser
le contenu du cours. Ne serait-ce que d'avoir fait les exercices
pour connaître toutes les embûches, préparer
des exemples et être capable de vérifier les perceptions
et les interprétations qu'en ont les étudiants.
Au plan métacognitif, c'est aussi important d'être
capable d'avoir une bonne planification pour être capable
de parler de planification avec l'étudiant, de lui proposer
des stratégies d'apprentissage et des stratégies
de régulation. Il faut amener l'étudiant à
s'auto-évaluer progressivement. Il faut que l'étudiant
devienne capable de faire les mises au point. Par ailleurs, il
y a des stratégies affectives qu'il faut développer
pour être capable de réduire l'anxiété,
quand c'est le cas, et avoir une ouverture pour accueillir ce
qui se passe, les peines, les joies, tout en gardant une carapace
psychologique pour ne pas prendre sur soi ce qui ne nous appartient
pas. Au plan motivationnel, il faut que l'étudiant découvre
un sens à son parcours de formation. Souvent l'étudiant
décroche simplement parce qu'il ne sait plus « à
quoi ça sert ». Il y a donc des mécanismes
à mettre en place pour bien cerner à quoi ça
sert. Pour l'intervenant, c'est souvent une question d'attitude
à adopter, reposant sur ses valeurs. On fait appel ici
à la générosité et à la disponibilité.
Quant à la qualité de la rétroaction, il
apparaît que celle-ci doit servir de guide, de phare et
être proposée à l'apprenant dans des délais
acceptables par celui-ci. Le feed-back doit être rapide,
surtout pour les étudiants à distance dont c'est
le principal axe de communication. Il y a vraiment consensus ici
pour affirmer que ce n'est jamais trop rapide. Il faut bien sûr
prendre le temps de bien rétroagir, mais même si
un étudiant a passé plusieurs mois sur un travail,
quand il le dépose c'est dans les jours qui suivent qu'il
veut savoir s'il a bien fait. La rétroaction devient ainsi,
chez plusieurs étudiants, un élément de facilitation
dans la poursuite d'une démarche d'apprentissage. C'est
une responsabilité d'intervenant réelle qu'il ne
faut pas ignorer. Cette responsabilité implique une bonne
dose de perspicacité, pour lire parfois entre les lignes,
et de l'initiative pour pouvoir ouvrir des pistes d'exploration.
Sans résoudre les problèmes qu'ont les étudiants,
il faut leur proposer des pistes pour qu'ils puissent eux-mêmes
résoudre leurs problèmes. On ne peut peut-être
pas parler vraiment d'une compétence ici, mais il s'agit
très certainement de doigté. C'est une question
d'accueil, d'empathie et de respect.
On vient beaucoup de parler en termes de réaction ou de
rétroaction. On peut aussi considérer la question
sous l'angle de la proaction. Il y a des recherches qui portent
actuellement sur la proactivité. C'est sûrement aussi
une compétence qui peut se développer. Dans ce genre
de recherche, on met beaucoup l'accent sur le fait qu'un des principaux
défis auxquels les tuteurs ou les personnes responsables
de l'accompagnement des étudiants doivent répondre
: est d'être capable à la fois d'établir une
relation d'aide éducative avec un étayage suffisant
pour aider l'apprenant et aussi être capable de désétayage
afin de se retirer graduellement du processus. Il y a pour ça
des habiletés et des compétences à développer.
Parmi les auteurs qui ont écrit sur le sujet, il y a, entre
autres, Bruno de Lierre qui a travaillé en Belgique et
Paul-Armand Bernatchez qui a fait sa thèse de doctorat
sur la proactivité et la participation à la collaboration
des apprenants. Il y a dans ce concept du bon matériel
pour réfléchir et, faut-il le rappeler, quand l'être
humain réfléchit, il avance.
Références utiles :
KARSENTI, Thierry, LAROSE, François, Les Tic
au
Cur des pédagogies universitaires, préface
de Denys Lamontagne, Presses de l'Université du Québec,
2001,
MALHERBE, Jean-François, Les équivoques de l'autonomie,
Collection Essais et conférences, Université de
Sherbrooke, 2000
REBOUL, Olivier, Qu'est-ce qu'apprendre?, 1980, Paris, PUF
Concernant la thèse de Paul Armand Bernatchez, voici quelques
références provenant du site du GRAVTI :
- http://www.scedu.umontreal.ca:2040/marchal/gravti/gravti_go.htm)
-http://www.scedu.umontreal.ca:2040/marchal/gravti/gravti_docs/
SommairePA.pdf
- http://www.scedu.umontreal.ca:2040/marchal/gravti/gravti_docs/
Soutenance_files/frame.htm
Retour à la Table des
matières
|