Table d'échanges d'expertises et d'expériences pédagogiques en formation à distance:
22 Novembre 2001


Thème : « Le développement de compétences pour l'apprentissage à distance : quelles sont les conditions de réussite? »

Les intervenants ayant participé à cette audioconférence étaient :

- Mireille Beaulieu-Caron (Campus de Shippagan de l'Université de Moncton; Nouveau-Brunswick)
- Martin Beaudoin (Faculté St-Jean; Alberta)
- Lise Bégin-Langlois (Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval; Québec)


Se sont également joints à titre d'observateur (trice)s :

- Michel Duncan (Société éducative du Nouveau-Brunswick)
- Louise Marchand, Jean Loisier et Paul-Armand Bernatchez; GRAVTI, Université de Montréal; Québec)
- Denise Vigneault (Université Laval, Québec)


Rappel : Le texte qui suit fait état de réflexions et de pistes de solutions qui proviennent d'un débat où étaient invités des intervenants du milieu. Il s'agit d'un compte-rendu d'échanges dans le cadre d'une audioconférence proposée par le REFAD.

Mise en contexte :

Nous ne voulons pas nous enfermer ici dans la définition du mot « débat ». Au sens large, qui dit débattre, dit aussi discuter. Nous n'aurons donc pas nécessairement des positions contradictoires, mais si nous en avons, très bien. Ce sur quoi nous voulons mettre l'accent cette année, c'est la dimension discussion de nos échanges par opposition à ce qui s'est fait dans les années précédentes où il y avait une certaine emphase mise sur la dimension présentation. Cette année, nous privilégions donc d'aller tout de suite au cœur du contenu. Ce qu'on souhaiterait obtenir à la fin des quatre tables d'échanges. Ce sont des pistes réelles de solutions en regard de la thématique. Il n'y a peut-être pas ici de problème au sens strict du terme, mais il y a certainement dans la littérature, dans la recherche, dans les discussions et dans la pratique sur le sujet que nous abordons, un questionnement qui s'amplifie avec le phénomène de la e-formation. Il semble alors plus qu'intéressant de se pencher sur la question des compétences. Quelles compétences faut-il pour enseigner et apprendre dans l'environnement de la formation à distance? De quoi parle-t-on quand on parle de compétences? Il y a certes plusieurs définitions possibles. Retenons ici, pour amorcer la discussion, la définition de Legendre (1993) qui parle d'habiletés acquises grâce à l'assimilation des connaissances pertinentes et à l'expérience, qui consistent à circonscrire des problèmes spécifiques. Ce qu'on souhaite donc, c'est d'avoir ici des échanges sur les compétences nécessaires pour travailler en formation à distance, et ce, autant du côté des concepteurs et des différents intervenants que du côté des étudiants. Nous avons proposé des pistes. Ce que nous espérons faire c'est discuter autour de ces questions, en débordant au besoin, afin de se faire tous ensemble une tête sur des façons de circonscrire le sujet et d'améliorer les pratiques en ce domaine. Entrons maintenant dans le vif du sujet.


Les compétences… tout d'abord pour qui?

En révisant les questions proposées pour cet échange, il apparaît dès la première intervention plutôt approprié de commencer par l'axe des apprenants. En faisant quelques schémas à partir de ces questions de départ, on peut se dire qu'on tombe possiblement dans un piège en abordant la question par l'angle du concepteur par exemple. Ces schémas peuvent être représentés par de grands cercles pour chaque axe de discussion, en allant du concepteur à l'encadrement, de l'animation des échanges à l'évaluation des étudiants. Quand on arrive à l'étudiant, on se rend compte qu'on devrait toujours commencer par celui-ci. C'est l'étudiant qui est au cœur du processus d'apprentissage et c'est à partir de ses besoins qu'on devient plus en mesure de préciser ce qu'on veut lui offrir, ce qu'on peut lui offrir et ce qu'on va demander au concepteur. Il est intéressant de noter qu'un consensus s'établit naturellement ici sur le choix de l'étudiant comme centre et point de départ à la discussion.


L'apprentissage en images et en couleur…

En utilisant le dessin comme façon d'imager ce qui doit être discuté, ce qui est frappant, c'est qu'on en arrive rapidement au constat que l'apprentissage, ce n'est pas après tout si différent, que l'on soit à distance ou en présentiel. Les compétences nécessaires pour faire cheminer un étudiant semblent bien souvent les mêmes. À partir d'un grand cercle jaune central, comme dans une fleur, et qui représente l'étudiant, il est possible d'ajouter plusieurs autres cercles de couleurs différentes, comme pour faire les pétales d'une fleur, et qui représentent les concepteurs, les accompagnateurs, les évaluateurs, etc.. Quand on regarde une fleur, on se dit que les abeilles vont aller butiner dans le cœur de la fleur, qu'elles vont ensuite aller polléniser et qu'il va se passer autre chose ensuite. C'est un peu comme ça qu'on peut aborder cette problématique de l'apprenant dans un environnement d'apprentissage. Dans les questions de départ proposées, il y avait comme trois volets. Le premier touche l'étudiant et les compétences nécessaires pour apprendre à distance. Il semble que l'étudiant devrait développer des stratégies d'apprentissage mais d'abord développer le goût d'apprendre à apprendre. Olivier Reboul a écrit un texte sur l'apprentissage où il précise trois différences en apprentissage. Il parle « d'apprendre à savoir faire, d'apprendre que (recevoir des informations) et d'apprendre en donnant du sens ». On peut apprendre par exemple qu'il y a une guerre en Afghanistan, on peut apprendre à tricoter un chandail et on peut apprendre, dans le sens de comprendre, en faisant des liens. Donc, quelqu'un peut apprendre à tricoter un chandail de laine pour l'expédier à un enfant dans le besoin suite à la guerre qui sévit dans son pays en Afghanistan. Il a appris que, ce qui l'a amené à apprendre à et il a donné un sens à son apprentissage. Ça, il semble que ce soit une compétence qu'on doit amener ou développer chez l'étudiant. Cela doit revenir aussi dans la conception même du cours. Puis par rapport à l'étudiant, on doit probablement accepter et apprendre à être parfois déstabilisé. Quelqu'un a déjà dit que la distance déstabilise. C'est peut-être vrai, mais au fond, ce serait peut-être plus l'isolement qui déstabilise que la distance. Et ne peut-on pas se retrouver dans une classe et se sentir tout à fait isolé aussi?


L'autonomie pour permettre la découverte…

On doit aussi apprendre à construire son autonomie. Ce serait même une première compétence à développer. Ce n'est pas toujours naturel… Il faut donc réaliser qu'il y a là quelque chose à construire en se créant notamment un réseau d'échange. Quand on est à distance, on est souvent isolé, et c'est là-dessus qu'il faut travailler. On a besoin d'échanger avec les autres, on a besoin de se confronter à de nouvelles idées, à de nouvelles façons de faire. Les conditions de réussite par rapport à l'étudiant passent très probablement par une prise de conscience de cette situation.

Sur le plan de la médiatisation ou de l'environnement hautement médiatisé, il faut regarder ce qui se passe avec un étudiant peu expérimenté avec les médias ou les habilités techniques. Lorsque l'on parle de problèmes de développement de compétences dans une situation semblable, il faut être plus du côté des étudiants que des professeurs, être conscients des besoins que les gens ont en formation à distance. Un de ces premiers besoins, croit-on, c'est de développer de la confiance en soi et un goût aiguisé de la découverte. Il faut apprendre à remettre sur le métier nos façons d'aborder l'apprentissage, apprendre à reconnaître nos limites et surtout apprendre à dépasser ces limites. Il y a parfois une barrière psychologique qui se dresse. Il faut apprendre à traverser cette barrière. Denys Lamontagne écrivait dans une préface de livre « je promeus l'utilisation des TIC dans l'enseignement parce que leur usage stimule et provoque la responsabilisation des individus au regard de l'apprentissage, autant chez les étudiants que chez les professeurs ».


Rigueur et curiosité…

Il semble donc qu'il faut construire l'autonomie parce que celle-ci n'est pas nécessairement innée chez tous les étudiants. Si on s'attarde aux éléments importants à considérer, il y a aussi très certainement la discipline, ou l'autodiscipline. Que l'on parle de remettre les évaluations au moment déterminé, que l'on parle de se bâtir un échéancier et de le respecter ou que l'on parle de la gestion de son propre cheminement, il est question, dans tous ces cas, de placer une certaine dose de rigueur dans la discipline personnelle. La curiosité et la débrouillardise s'inscrivent aussi très probablement dans les compétences d'apprenant qu'il faut souligner. C'est tout spécialement vrai quand il est question de cours en ligne. L'étudiant doit aller chercher l'information, doit savoir à quelle porte aller frapper et, en ce sens, il faut recourir à un certain niveau de débrouillardise. Il faut savoir dépasser ses limites traditionnelles. Par ailleurs, la motivation, qui ne doit peut-être pas ici être définie comme une compétence, doit être bien présente. Dans certain cours en ligne, comme on n'est pas porté par une dynamique de groupe, il faut puiser dans notre motivation personnelle pour aller plus avant et trouver des moyens, parfois nouveaux, de poursuivre jusqu'au bout. Un point qu'il faut soulever ici, c'est la facilité d'accès à l'équipement. Si on veut apprendre à distance et qu'on a pas l'équipement requis, il y un problème potentiellement important. Ici, ce n'est certes pas une compétence, mais on peut parler de conditions favorables peut-être incontournables pour le succès du projet d'apprentissage. Sur ce point et en revenant aux compétences, on peut parler de connaissances en informatique, de techno-compétences, qui doivent préalablement être acquises, du moins minimalement, pour ne pas saboter la démarche. Si les connaissances de bases ne sont pas là, ça peut être très ardu. Il faut garder en mémoire le besoin de développer des stratégies pour gérer et organiser son apprentissage. Cela vaut à tous les plans qui viennent d'être abordés.

Ouverture d'esprit et patience…

La curiosité apparaît comme un élément important qui est probablement fortement lié à l'autonomie. On a souvent l'impression que les étudiants les plus autonomes sont souvent les plus curieux… ou les plus curieux sont souvent les plus autonomes. Y a-t-il réciprocité? Y a-t-il un sens, une direction? Cela reste à voir. L'étudiant doit dans une certaine mesure être intrigué ou curieux du médium, d'une part, et de la matière aussi, d'autre part. Chez les étudiants à distance que l'on a l'occasion d'observer, les meilleurs étudiants semblent souvent être ceux qui sont aussi curieux de la matière que du médium. C'est une question pour eux d'explorer comment le médium va faciliter ou rendre l'apprentissage différent. Un autre facteur est également assez important, c'est l'ouverture d'esprit, parce que très souvent le matériel pédagogique propose une forme d'interaction qui n'est pas celle que l'on retrouve habituellement en salle de classe. En salle de classe, on peut peut-être plus facilement s'adapter, changer l'atmosphère. Si les étudiants ne comprennent pas, par exemple, on peut faire un dessin, on peut lire un texte, on peut varier les modes de présentations. À distance, ce n'est pas toujours possible, on ne peut pas toujours percevoir ça. En vidéoconférence, on a déjà une idée plus précise, mais par le Web et par courrier électronique c'est très difficile. Il faut donc une certaine ouverture d'esprit de la part de l'étudiant pour composer avec de nouvelles réalités qui font parfois appel au monde du virtuel. Une autre qualité requise : la patience. Que ce soit par vidéoconférence, via le Web ou d'une autre façon, si l'étudiant n'est pas armé de patience ça n'ira pas tout seul. Il y a des serveurs qui tombent en panne, il y a des connections qui tombent, il y a différentes interruptions et dans tous ces cas la patience est nécessaire. Sinon on se décourage et les conséquences peuvent vraiment ne pas être heureuses. Il faut aussi, dans certains cas, une nécessité à collaborer ce qui, dans une salle de classe, devient plus naturel parce qu'on est en contact physique. Mais à distance, il faut parfois se forcer pour le faire, le rendre requis par le cours. À un niveau avancé, cela devient de plus en plus important et c'est là que les bons outils de communication ne sont pas toujours en place. Et cela n'aide pas.


Que retient-on comme compétences essentielles?


On vient de mettre en lumière un certain nombre d'éléments à prendre en compte. S'il s'agit de compétences, on doit pouvoir les développer par un moyen ou par un autre. Or, si l'on fait une représentation graphique de ce dont nous venons de parler, il pourrait être possible d'en arriver à ceci :


S'agit-il vraiment de compétences?

 

Il semble bien qu'on s'entende sur le fait que ce ne sont pas vraiment des compétences, mais des conditions de réussite. La patience et l'autonomie sont peut-être là, mais ce n'est pas acquis de façon extrinsèque, mais bien de façon intrinsèque. C'est quelque chose qui se développe, ce n'est pas quelque chose qui s'apprend. Si nous voulions bâtir un tableau pour représenter la chose, nous aurions besoin de deux colonnes. Une pour les compétences et une pour les conditions. Dans la colonne des compétences, on n'a peut-être pas grand chose actuellement, mais il y a la conscientisation, parce que cela peut être une habilité acquise. On a un bagage de connaissances et tout à coup, grâce à l'expérience, on se rend compte qu'il faut être conscient avant d'entreprendre une démarche. Cette conscientisation là, en tant qu'étudiant, m'amène à dire que ça prend de la curiosité, il faut que je m'organise, il faut que je sois motivé et plus autonome. Cela m'interroge sur les conditions nécessaires pour réussir. Au départ, il semble que ce soient des aptitudes ou des conditions qui mènent vers les compétences. Cela va aussi inclure, en temps et lieu, les connaissances techniques.


La conscientisation et l'ouverture…

Par la conscientisation, l'étudiant va pouvoir mettre en place les conditions favorables à la réussite de son projet d'apprentissage. Et qu'en est-il de l'autonomie? Il semble clair qu'il peut y avoir un développement de l'autonomie, mais ce n'est pas certain que cette autonomie soit plus acquise que développée. L'autonomie ne vient pas de l'extérieur. On ne peut pas implanter de l'autonomie chez l'étudiant. Ça se construit mais c'est l'étudiant qui doit la construire. Personne ne peut la construire pour lui. Et il n'est même pas toujours évident d'avoir un consensus sur la définition même de l'autonomie. Jean-François Malherbe a écrit un livre qui s'appelait « Les équivoques de l'autonomie » dans lequel il parlait du concept d'autonomie réciproque. L'autonomie ne semble pas se développer toute seule. Une des conditions c'est d'aller chercher ailleurs ce dont on a besoin. Par exemple, il disait « Chacun est un tissus dont les fils sont ses interactions avec tous les autres». On se construit à partir de ce qu'on va chercher ailleurs. Il faut bien distinguer ici entre autosuffisance et autonomie. Être capable de s'ouvrir aux autres et de recueillir chez les autres ce qui est susceptible de nous aider, voilà aussi ce qu'est l'autonomie. L'ouverture, c'est aussi une des conditions pour construire l'autonomie.

Jusqu'ici, dans ce qu'on peut classer vraiment comme des habiletés, en fonction de la définition que nous en avons, on retrouve des compétences techniques, on a aussi une capacité à collaborer, une capacité à faire collaborer, à faire du travail en équipe, et chose assez étonnante, une capacité à communiquer qui peut s'exprimer en termes de compétences. Que pourrait-on traduire d'autre en termes de compétences? Probablement aussi la capacité de développer des stratégies d'apprentissage. On parle ici de stratégies d'apprentissage pour mieux apprendre à apprendre et aussi pour apprendre à bien utiliser le médium.

Les moyens de développer ces compétences…

Par différentes stratégies, il apparaît relativement facile de mettre des moyens en place pour contribuer au développement des compétences. Il serait par exemple possible d'avoir un site sur lequel on pourrait énoncer des façons de retirer plus d'un cours à distance. En ce qui concerne les compétences à communiquer et à collaborer, ça peut se faire aussi. Il y a différents trucs et des outils pouvant être offerts. La variété des approches et des stratégies, particulièrement en formation Web, semble être une bonne approche. On peut parfois avoir recours à un babillard, au clavardage (chat), à une liste de distribution (listserv). Plusieurs modèles existent et même s'il n'y a rien de parfait, la variété des approches est susceptible de donner les meilleurs résultats. Il faudrait peut-être, dans certains cas, un mini-cours de communication sur le Web, en amont d'une formation médiatisée. La difficulté, c'est que souvent le mandat touche une matière, un contenu bien précis et que les besoins d'apprentissage pour un sujet donné débordent justement du sujet en question. Les étudiants ne savent pas toujours comment poser leurs questions lorsqu'elles surviennent dans ces nouveaux environnements d'apprentissage. Il faudrait peut-être qu'ils commencent par apprendre ça… La communication, ça commence par des choses simples.

Pour que les nouveaux outils soient acceptés et utilisés par les étudiants, il faut d'abord leur faire réaliser qu'ils vont en retirer quelque chose. Pour prendre, par exemple, un mini-cours de communication sur le Web, Il faut que l'étudiant voit quels en sont les avantages pour lui. C'est par là qu'il faut commencer. Il faut vendre à l'étudiant l'intérêt de venir découvrir comment poser des questions, comment collaborer ou travailler sur un sujet. Il faut chatouiller sa curiosité. Pour qu'un outil soit utile, il faut que l'utilisateur reconnaisse sa valeur. Il faut que ça fasse sens dans son contexte. Avant de rejoindre tout le monde, il faut rejoindre chacun!


Nous pouvons maintenant identifier un certain nombre de compétences ainsi que des conditions de réussite. Il est possible d'en faire la représentation suivante :


Et du côté des concepteurs…

On s'intéresse ici à la notion de conception, sans égard à une appellation spécifique pour l'intervenant. Il peut donc s'agir d'un concepteur, d'un élaborateur, d'un professeur, bref, il s'agit de la personne qui développe ce qui deviendra un cours. Pour la formation en ligne, un premier commentaire indique que pour plusieurs il s'agit d'un champ de pratiques parsemé d'un certain nombre de nouveaux défis. On se retrouve souvent en mode d'exploration et de découvertes et on avance à partir de ce qui est déjà connu en pédagogie. Il faut donc avoir de bonnes bases en élaboration de cours, être capable d'établir des objectifs clairs que l'apprenant fera siens. Il importe aussi d'avoir du matériel très bien structuré et de proposer une vue d'ensemble du cours et de ses modules. Il faut donc, en terme de compétences, être organisé et être capable d'une bonne communication pour le travail à réaliser en équipe. Meilleure sera la communication au sein de l'équipe de développement, meilleures sont les chances de mettre en place ce qui pourrait être appelé une bonne communication éducative. Et puisque l'on parle ici de formation à distance, il faut que la formation soit faite dans le but de transférer la responsabilité de l'apprentissage aux les mains de l'apprenant. Enfin, le design doit respecter le style d'apprentissage de l'étudiant. Il faut que le concepteur ait l'humilité de se mettre dans la peau de l'étudiant pour mieux comprendre l'approche idéale à adopter. Donc, là encore, c'est l'étudiant qui est le noyau. Il ne faut pas le perdre de vue dans l'élaboration et la conception d'un cours.

Un concepteur compétent c'est…

Pour le concepteur, il y a aussi deux façons de voir ce que doivent être les connaissances techniques minimales. Il peut être souhaitable d'avoir un concepteur qui a moins de connaissances techniques, simplement pour qu'il puisse rêver! C'est plus facile parfois pour un novice en technologie de dire « J'aimerais ça avoir ceci ou cela… » que pour celui qui est un expert dans ce que la technologie permet ou ne permet pas. Il peut donc y avoir des avantages, pour un concepteur, à avoir beaucoup de connaissances techniques mais il y a aussi des avantages à ne pas beaucoup en avoir. S'il est approprié de distinguer pour les étudiants entre les conditions de réussite et les compétences, il est aussi probablement approprié d'adopter la même approche pour les concepteurs. Il faut avoir une vision pédagogique claire et des connaissances dans le domaine. On pourrait ici, par exemple, faire référence à un modèle théorique comme l'approche behaviorale ou le modèle rogérien. Il faut se connaître, savoir à quelle enseigne on loge, quelles sont les valeurs que l'on souhaite mettre à profit. On ne pourra peut-être pas satisfaire tous les styles d'apprenant mais on peut toujours être conscient de leurs besoins. Il faut être conscient, il faut avoir une vision pédagogique, il faut reconnaître la valeur du design. On va faire nécessairement des choix. On peut aussi parler des connaissances du domaine qui sont des connaissances qui se développent aussi.

Pour résumer, encore une image :

Pour le concepteur, on pourrait aussi ajouter qu'il faut avoir le souci d'offrir un éventail de choix tout en évitant la surcharge d'informations qui peut se traduire par un encombrement cognitif. C'est sûrement une habileté à bien doser ce qu'on propose. Il ne faudrait pas non plus oublier, quand on construit un cours, d'avoir un intérêt pour faire construire des connaissances par l'étudiant à partir de ses acquis. Il est très intéressant d'aller chercher ce que l'étudiant connaît déjà du domaine énoncé. Sur cette base, on peut alléger la charge de travail perçue sans rien retrancher aux objectifs visés. Il faut aussi probablement prévoir une variété d'activités d'apprentissage qui favorisent à la fois la créativité et l'application des connaissances en contexte. Enfin, et c'est loin d'être négligeable, il faut avoir de la passion pour ce que l'on fait. Ça, c'est contagieux et pour une fois, c'est tant mieux.

Certaines recherches proposent qu'entre un cours à distance, en ligne ou ayant recours à différents médias et un cours dit conventionnel, il y a surtout une différence de relations séquentielles. Dans un cours conventionnel, par exemple, un étudiant qui a une distraction peut se pencher vers son voisin pour demander où on en est. Quand on est en ligne ou quand on est seul devant son ordinateur, l'étudiant est obligé à une certaine autonomie dans la mesure où il est obligé de compter d'abord sur lui-même. Même s'il existe d'autres moyens de communication, il reste que c'est différent. La compétence première est peut-être d'être capable de se débrouiller tout seul sur des éléments de base sur lesquels il a l'habitude de compter, sur un collègue par exemple. En ligne, on n'a pas ce soutien là. Et là, si l'on prend un miroir, c'est peut-être de considérer que la première compétence du professeur est de prévoir et de se mettre à la place de l'apprenant. Il n'y a pas de petits problèmes pour un étudiant en ligne. Il n'y a que des problèmes auxquels il faut trouver des solutions pour poursuivre une démarche d 'apprentissage. En présence, il y a d'autres avenues de communication qui sont habituellement absentes quand on parle de cours en ligne. Cela ajoute à la problématique du développement approprié de l'autonomie.


Et pour l'encadrement de l'étudiant…

Un intervenant dont le mandat est d'encadrer doit sûrement être là, en premier lieu, pour favoriser la prise en charge par l'apprenant de sa démarche. Sur le plan cognitif, une des compétences essentielles est de bien maîtriser le contenu du cours. Ne serait-ce que d'avoir fait les exercices pour connaître toutes les embûches, préparer des exemples et être capable de vérifier les perceptions et les interprétations qu'en ont les étudiants. Au plan métacognitif, c'est aussi important d'être capable d'avoir une bonne planification pour être capable de parler de planification avec l'étudiant, de lui proposer des stratégies d'apprentissage et des stratégies de régulation. Il faut amener l'étudiant à s'auto-évaluer progressivement. Il faut que l'étudiant devienne capable de faire les mises au point. Par ailleurs, il y a des stratégies affectives qu'il faut développer pour être capable de réduire l'anxiété, quand c'est le cas, et avoir une ouverture pour accueillir ce qui se passe, les peines, les joies, tout en gardant une carapace psychologique pour ne pas prendre sur soi ce qui ne nous appartient pas. Au plan motivationnel, il faut que l'étudiant découvre un sens à son parcours de formation. Souvent l'étudiant décroche simplement parce qu'il ne sait plus « à quoi ça sert ». Il y a donc des mécanismes à mettre en place pour bien cerner à quoi ça sert. Pour l'intervenant, c'est souvent une question d'attitude à adopter, reposant sur ses valeurs. On fait appel ici à la générosité et à la disponibilité.

Quant à la qualité de la rétroaction, il apparaît que celle-ci doit servir de guide, de phare et être proposée à l'apprenant dans des délais acceptables par celui-ci. Le feed-back doit être rapide, surtout pour les étudiants à distance dont c'est le principal axe de communication. Il y a vraiment consensus ici pour affirmer que ce n'est jamais trop rapide. Il faut bien sûr prendre le temps de bien rétroagir, mais même si un étudiant a passé plusieurs mois sur un travail, quand il le dépose c'est dans les jours qui suivent qu'il veut savoir s'il a bien fait. La rétroaction devient ainsi, chez plusieurs étudiants, un élément de facilitation dans la poursuite d'une démarche d'apprentissage. C'est une responsabilité d'intervenant réelle qu'il ne faut pas ignorer. Cette responsabilité implique une bonne dose de perspicacité, pour lire parfois entre les lignes, et de l'initiative pour pouvoir ouvrir des pistes d'exploration. Sans résoudre les problèmes qu'ont les étudiants, il faut leur proposer des pistes pour qu'ils puissent eux-mêmes résoudre leurs problèmes. On ne peut peut-être pas parler vraiment d'une compétence ici, mais il s'agit très certainement de doigté. C'est une question d'accueil, d'empathie et de respect.

On vient beaucoup de parler en termes de réaction ou de rétroaction. On peut aussi considérer la question sous l'angle de la proaction. Il y a des recherches qui portent actuellement sur la proactivité. C'est sûrement aussi une compétence qui peut se développer. Dans ce genre de recherche, on met beaucoup l'accent sur le fait qu'un des principaux défis auxquels les tuteurs ou les personnes responsables de l'accompagnement des étudiants doivent répondre : est d'être capable à la fois d'établir une relation d'aide éducative avec un étayage suffisant pour aider l'apprenant et aussi être capable de désétayage afin de se retirer graduellement du processus. Il y a pour ça des habiletés et des compétences à développer. Parmi les auteurs qui ont écrit sur le sujet, il y a, entre autres, Bruno de Lierre qui a travaillé en Belgique et Paul-Armand Bernatchez qui a fait sa thèse de doctorat sur la proactivité et la participation à la collaboration des apprenants. Il y a dans ce concept du bon matériel pour réfléchir et, faut-il le rappeler, quand l'être humain réfléchit, il avance.


Références utiles :

KARSENTI, Thierry, LAROSE, François, Les Tic… au Cœur des pédagogies universitaires, préface de Denys Lamontagne, Presses de l'Université du Québec, 2001,

MALHERBE, Jean-François, Les équivoques de l'autonomie, Collection Essais et conférences, Université de Sherbrooke, 2000

REBOUL, Olivier, Qu'est-ce qu'apprendre?, 1980, Paris, PUF

Concernant la thèse de Paul Armand Bernatchez, voici quelques références provenant du site du GRAVTI :
- http://www.scedu.umontreal.ca:2040/marchal/gravti/gravti_go.htm)

-http://www.scedu.umontreal.ca:2040/marchal/gravti/gravti_docs/
SommairePA.pdf


- http://www.scedu.umontreal.ca:2040/marchal/gravti/gravti_docs/
Soutenance_files/frame.htm



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Mise à jour: 4/3/2002