Table de consultation et d'échanges techno-pédagogiques
Édition 2004-2005

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« Les besoins des apprenant(e)s en formation à distance. Quels besoins?»

En corrélation avec le projet d' élaboration de ressources pédagogiques en ligne pour la francophonie canadienne « VECTEUR »

Le projet Vecteur est possible grâce à l'appui financier du programme Francommunautés virtuelles d'Industrie Canada http://francommunautes.ic.gc.ca/

Projet élaboré en collaboration par le Réseau d'enseignement francophone à distance du Canada (REFAD) http://www.refad.ca , l'Alberta Online Consortium (AOC) http://www.albertaonline.ab.ca/default_f.html et la Division scolaire francophone de la Saskatchewan (DSF 310) http://www.dsf.sk.ca/

Document préparé par Thérèse Lamy et Michel Richer (SED; http://www3.sympatico.ca/tlamy/)
pour le Réseau d'enseignement francophone à distance (REFAD)

L'équipe du REFAD tient à remercier chaleureusement Thérèse Lamy et Michel Richer pour leur professionnalisme et leur grande implication, ainsi que les spécialistes, les observatrices et les observateurs qui ont alimenté les échanges.

Table des matières

Introduction

Cette table de consultation et d'échanges techno-pédagogiques en formation à distance fut organisée sous forme de deux audioconférences, tenues les 18 novembre 2004 et 10 février 2005. À cet effet, le REFAD a lancé au début de l'automne 2004 une invitation auprès d'intervenants en formation à distance et ce à la grandeur du pays.

Nous espérons que ces tables permettront une identification concrète supplémentaire en rapport avec les besoins des apprenants en formation à distance en corrélation avec le projet d'élaboration de ressources pédagogiques en ligne pour la francophonie canadienne, Vecteur, qui sera en ligne d'ici décembre 2005. Ces deux réunions ont certainement permis de mieux cerner les besoins des apprenant(e)s et d'identifier des solutions et des outils pour la réussite du site à venir. Elles ont également permis d'encourager à court et à long termes le partage d'expériences ainsi que de favoriser l'échange de cours et de programmes.

Lors de ces audioconférences, nous avons donc réuni des intervenants provenant de diverses régions du Canada, de différents paliers d'enseignement et de types d'organismes fort variés. Puisque le but ultime de ces rencontres est d'encourager à court et à long termes le partage, la thématique abordée par les intervenants devait se retrouver tout au cour de leurs préoccupations et de leurs pratiques professionnelles. Nous avons donc exploré sur des bases pragmatiques et expérientielles, la question « Les besoins des apprenant(e)s en formation à distance. Quels besoins?». Pour ce faire, nous nous sommes intéressés tout autant aux éléments constituants qu'aux conditions de réussite.

Vous trouverez donc ci-après les comptes-rendus des échanges entre tous les participants à ces deux rencontres. Lors de chacune de ces audioconférences, deux périodes de discussions étaient prévues, de façon à permettre aux intervenants invités (et aux observateurs, le cas échéant) d'échanger des opinions, des idées, des pistes de réflexion. L'essentiel et les idées fortes des discussions seront donc présentés ici. Une synthèse est également proposée à la section "Mot de la fin", en dernière partie de ce rapport.

Bonne lecture !

L'équipe du REFAD

Pour une mise en contexte

Afin de baliser les échanges et guider la réflexion en préparation des rencontres, nous avons fait parvenir à chaque participant le texte qui suit. Nous croyons à-propos de vous présenter ce court texte en introduction à ce document.

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Table de consultation et d'échanges techno-pédagogiques sous le thème «Les besoins des apprenants en formation à distance. Quels besoins?».

Pour mieux situer le contexte de nos échanges, nous proposons, sous forme de questions et de citations, quelques axes de réflexion qui pourront être explorés plus à fond lors de la rencontre à laquelle vous êtes convié.

Les besoins, quels besoins ? Interrogation perpétuelle, chimère, justification de programmes, occasion de nombreux gargarismes intellectuels, études savantes et coûteuses, etc. Voilà quelques-uns des mots qu'évoque le terme besoin en éducation. Voici une petite fable éducative pour replacer ce concept de besoin.

Le Soupirant à une comtesse récalcitrante : « Madame la Comtesse, comment pouvez-vous douter de moi ainsi ? Je m'abreuve et me nourris de vos paroles et de vos moindres gestes. Votre présence, seule me rassure. En votre compagnie, je fréquente les grands de ce monde. Votre admiration sincère pour mes talents me comble de joie. Vos largesses et vos bontés font de moi le meilleur des hommes.. »

Vous aurez sans doute ici relié cette métaphore à la hiérarchie des besoins de Maslow. Mais au fait, qu'est-ce qu'un besoin ? Qu'en est-il ?

Le besoin est un déséquilibre qui correspond à un manque pour le fonctionnement d'un système [.]. Le rétablissement de cet équilibre doit se faire dans une direction permettant de satisfaire le besoin identifié [.]. Le besoin désigne un état de déséquilibre d'un système, à tous les niveaux concevables d'un contexte. Comme l'expression des besoins s'explicite en désir, il est important pour le formateur de composer avec cette force motivationnelle (le désir), s'il veut satisfaire les besoins de façon significative. (Montpellier, 1958)

Selon Ouellet (1983), le besoin est une chose et la façon d'y répondre en est une autre. L'analyse des besoins repose sur l'idée qu'un programme devrait d'abord servir les besoins des clients et non pas les besoins du personnel, de la politique, de l'organisation.

L'analyse de besoins représente donc la déficience, fait ressortir le déséquilibre du système, tandis que la force motivationnelle représente la façon de résoudre les besoins, l'orientation. Le besoin, si l'on veut, c'est la rivière qu'il faut traverser et il faut décider par quels moyens on peut y arriver. La force motivationnelle, ou le désir, est le courant de la rivière. On imagine mal une personne qui entreprend de traverser une rivière sans composer avec le courant.

Le besoin, sans la volonté, sans le désir de changer et de participer, aboutit à un faux problème. C'est la moitié de la solution. Lavelle (1955) souligne que préférer, c'est choisir. Mais encore faut-il choisir en respectant le niveau d'évolution réelle des gens impliqués. Et vous.

•  Comment tenez-vous compte des besoins des apprenants ?
•  Comment faites-vous pour identifier les besoins inconscients des apprenants?
•  Comment transiger avec les besoins identifiés par les apprenants et non perçus par les formateurs ?
•  Comment tenir compte du besoin (écart) à combler et comment faire participer (la force motivationnelle) l'apprenant au     changement ?
•  Comment distinguer entre les besoins perçus par l'apprenant et les besoins réels de celui-ci ? Doit-on faire cette distinction ?

Voilà, très brièvement, quelques pistes qui pourraient baliser l'échange prévu, sans pour autant le censurer. Toute autre piste permettant d'enrichir l'échange sera aussi, bien sûr, également bienvenue. Nous terminons en vous laissant sur cette pensée de Jean Rostand (1967) :

« La seule prospective qui m'intéresserait serait celle de l'affectivité. [.] Quelles seront pour l'homme, les nouvelles raisons de vouloir et d'agir ? Où puisera-t-il le courage d'être ? »

Salutations cordiales.

Thérèse Lamy et Michel Richer pour le REFAD

Comptes-rendus des audioconférences

Mise en garde :

Les lecteurs doivent être conscients qu'il s'agit ici bel et bien de "comptes-rendus" et non d'une transcription mot à mot des discussions. Les propos des intervenants ont été rapportés de façon à refléter le plus fidèlement possible le sens de leurs interventions. La lecture des comptes-rendus doit tenir compte du fait qu'il s'agissait d'échanges dans un mode oral, dans une formule « débat-échanges », et non de propos prévus nécessairement pour une publication écrite. Ainsi, le contenu pourrait paraître parfois incertain et quelques déclarations peuvent sembler plus imprécises que dans un texte prévu pour la publication. En contexte, ceci apparaît comme une propriété, plutôt naturelle, du présent passage de l'oral à l'écrit.

Nous prions également les lecteurs de tenir compte des dates des interventions. Effectivement, le monde des technologies et des environnements d'apprentissage à distance évolue rapidement et les partenariats, projets, situations auxquels peuvent faire référence les intervenants ont un caractère très évolutif. Or, quatre mois séparent la première audioconférence de la seconde. Il peut donc arriver qu'à l'automne 2004, un intervenant parle d'une situation en devenir alors qu'un autre, au printemps, en parlera au passé. Cela est dû non pas à une inconstance des personnes concernées, mais bien au simple passage du temps...

Table de consultation et d'échanges techno-pédagogiques

ÉDITION 2004-2005


Les besoins des apprenant(e)s en formation à distance.

Quels besoins?


RÉUNION DU 18 NOVEMBRE 2004

Participant(e)s :

Jocelyn Nadeau (U. de Moncton, Campus d'Edmundston; N.-B.)

 

Fernande Goupil (U. de Moncton, Campus de Shippagan; N.-B.)

 

Denise Haché (U. de Moncton, Campus de Shippagan; N.-B.)

 

Roger Lanteigne (U. de Moncton, Campus de Shippagan; N.-B)

 

Ginette Dumont (Télé-université; Québec)

 

Caroll-Ann Keating (Télé-université; Québec)

 

Claire Mainguy (Université Laval; Québec)

 

Denise Vigneault (Université Laval; Québec)



RÉUNION DU 10 FÉVRIER 2005

Participant(e)s :

Denise Paquette-Frenette (Université Brock; Ontario)

 

Mireille Caron (Université de Moncton; N.-B.)

 

Nicolas Gagnon (Université Laval; Québec)

 

Paul Thériault (CCNB-Péninsule acadienne; N.-B.)

 

Sophie Godbout (Conseil des écoles publiques de l'Est de l'Ontario)

 

France Vachon (Éducacentre; C.-B.)

 

Aurèle Michaud (CCNB Bathurst; N.-B.)

 

Claire David (Télé-université; Québec)



 

Table de consultation et d'échanges techno-pédagogiques sous le thème :


Les besoins des apprenant(e)s en formation à distance.

Quels besoins?



RÉUNION DU 18 NOVEMBRE 2004

Les intervenants ayant participé à cette audioconférence étaient :

  • Jocelyn Nadeau (U. de Moncton, Campus d'Edmundston; N.-B.)
  • Fernande Goupil (U. de Moncton, Campus de Shippagan; N.-B.)
  • Denise Haché (U. de Moncton, Campus de Shippagan; N.-B.)
  • Roger Lanteigne (U. de Moncton, Campus de Shippagan; N.-B)
  • Ginette Dumont (Télé-université; Québec)
  • Caroll-Ann Keating (Télé-université; Québec)
  • Claire Mainguy (Université Laval; Québec)
  • Denise Vigneault (Université Laval; Québec)


Rappel : Le texte qui suit fait état de réflexions et de pistes de solutions qui proviennent d'échanges où étaient invités des intervenants du milieu. Il s'agit d'un compte-rendu d'une audioconférence proposée par le REFAD à l'automne 2004.

Une première question.

La question des besoins en apprentissage et en éducation a toujours été un élément de réflexion très important. Il s'agit d'une problématique complexe dans laquelle nous retrouvons différentes écoles sur l'analyse de besoins, comment on la fait, qu'est-ce qu'il faut regarder. Mais comment cela se traduit-il, concrètement, dans les différents milieux. C'est très probablement en interrogeant sa pratique qu'il est possible de jeter un premier éclairage sur le sujet.

Cette table d'échanges est l'occasion d'explorer ensemble différents points de vue. À cet effet, un angle intéressant pour aborder la question est sans doute d'adopter des rôles différents, comme celui du formateur, de l'étudiant et du spécialiste en informatique. C'est dans un premier temps ce qui va être fait ici.

La distance, quelle distance?

Soulignons d'abord qu'il y a un certain consensus sur l'importance de tenir compte, dans son enseignement, du facteur distance. Mais au fait, de quelles distances parle-t-on? Par exemple, sur campus, il y a des cours de services informatiques fréquentés par des étudiants de tous les programmes et aussi par des étudiants libres. Ces étudiants ont tous des connaissances très variables du domaine de l'informatique. Aussi, certains étudiants, notamment en sciences infirmières, doivent effectuer des préceptorats en milieu hospitalier. Ce qui est assez particulier avec ces préceptorats, c'est qu'ils ont justement lieu durant les heures normales de cours. Les préceptorats peuvent également avoir lieu à l'extérieur de la région immédiate, ce qui rend parfois les déplacements difficiles, voire impossibles. Dans de tels cas,

l'étudiant ne peut donc pas assister au cours! Et il faut répondre aux besoins spécifiques de tous ces étudiants. Il faut leur fournir, à tout le moins, un accès au matériel de cours, ce qui se fait souvent via un site Web d'accompagnement. Un tel site Web doit aussi répondre au besoin de développement de techno-compétences des étudiants de l'ensemble des facultés. Et rappelons enfin que les étudiants ont presque toujours des expériences très inégales de l'utilisation des technologies en général, et d'Internet en particulier.

Il importe donc de concevoir des sites Web dans lesquels il est facile de naviguer et où l'étudiant retrouve les ressources nécessaires pour qu'il puisse suivre, par exemple, certaines parties de son cours à distance. Évidemment, pour le spécialiste en informatique, le développement d'un tel site et son maintien sont d'une platitude souvent bien sentie. Pourtant, selon les commentaires obtenus des premiers concernés, les étudiants, un site qui répond bien aux besoins et aux attentes est justement identifié comme un site utile et apprécié. Étonnamment, dans son billet du 8 novembre dernier, Gerry McGovern 1 traite précisément de cette question à savoir que pour un développeur, il est toujours hautement stimulant, pour les défis que cela amène, de concevoir des outils considérés comme évolués, plus complexes. Ce type de défis constitue une réelle motivation pour les développeurs. Évidemment, quand on pense aux emplois de la nouvelle économie, on pense plus naturellement à des emplois très stimulants et non à des emplois assommants. Dans la pratique, nous sommes confrontés ici à une situation où deux philosophies s'affrontent souvent! Mais il ne faut jamais passer sous oubli l'utilisateur, c'est-à-dire l'apprenant, dans son contexte avec ses besoins. Est-il souhaitable de passer des jours, des semaines, voire parfois des mois à développer une fonctionnalité dans un outil ou dans un site Web, qui ne sera utilisée à profit que par un nombre extrêmement restreint d'utilisateurs? La réponse est non. Il est souvent trop facile pour un développeur de passer à côté de ce qui est le plus évident, ce qui est le plus fondamental pour l'apprenant. Il faut vraiment prendre conscience de ce danger et rester très alerte.

Pour faciliter la communication.

Dans le cadre du développement d'un cours, il est souvent intéressant de mettre en place une série d'outils de communication qui permettent de bien répondre aux besoins d'un pourcentage important des étudiants. On peut parler ici de listes de diffusion pour les messages destinés à plusieurs ou encore d'un accès direct au courrier électronique de la personne qui encadre. Il importe de souligner ici que le fait de répondre le plus rapidement possible aux courriels des étudiants est identifié par ceux-ci comme quelque chose qui est aussi important qu'apprécié. Dans les meilleures conditions, ne devrait-on pas penser à un temps de réponse dans les 12 heures, 7 jours sur 7? La réponse téléphonique à l'intérieur de 24 heures est aussi une norme qu'il serait probablement souhaitable de viser, pour que les étudiants ne restent pas trop longtemps avec un problème ou une question susceptible de les bloquer dans leur démarche d'apprentissage. Mais est-il réaliste, dans les contextes administratifs actuels, d'envisager de tels paramètres? Dans certains cas oui, sûrement. Notons enfin que sur cette question de la qualité du lien de communication, il est reconnu que la remise des travaux par Internet permet un acheminement considéré plus efficace et plus facilitant, particulièrement pour les étudiants à distance.

Il est aussi important d'inciter les étudiants à communiquer leurs besoins, leurs frustrations et leurs idées via ces divers mécanismes qui facilitent la communication. On a ici une belle opportunité pour pallier à ce qui peut se faire parfois plus directement en face-à-face. Dans la pratique, on observe qu'une approche globale de cette nature semble vraiment bien fonctionner. Un site Web offert en soutien à l'apprentissage devra évoluer constamment, dans sa forme et dans son contenu, afin de toujours mieux répondre aux besoins exprimés par les étudiants. La quête de défis des développeurs sera ainsi plus justement reléguer au second plan, pour faire place à une simplicité et à une économie d'artifices qui sont visiblement deux caractéristiques attendues par les premiers concernés, les utilisateurs.

Un dernier volet restera à mettre en place pour permettre aux étudiants de développer des évaluations théoriques sommatives via le Web. Donc encore ici, on tentera de faciliter la vie des étudiants à distance, en évitant de leur imposer des déplacements.

 

Des effets qui se font sentir.

Pour une institution, un des effets très positifs de vouloir mieux composer avec la distance, c'est que cette ouverture favorise nettement l'inscription d'étudiants qui autrement ne s'inscriraient pas, dans un contexte où tous les cours seraient à suivre sur campus. Ce mariage « campus-distance » apparaît ici comme une formule où toutes les personnes concernées se retrouvent dans une situation « gagnant-gagnant ». Deux critères essentiels ressortent quand il est question de mieux répondre aux besoins des apprenants :

  1. Il faut bien connaître les étudiants afin de pouvoir se mettre à la place de chacun d'eux.
  2. Il faut aussi, à la lumière de cette connaissance, analyser sa méthode d'enseignement et concevoir les outils dont ils auront réellement besoin et qu'ils utiliseront.
Que fait-on pour tenir compte des besoins des apprenants?

Voilà une question bien large. Il faut sans doute adapter notre approche à des besoins plus macros, tels que ceux identifiables à des clientèles spécifiques, en tenant notamment compte de la culture de ces clientèles. À titre d'exemple, dans le développement d'un modèle techno-pédagogique pour un programme de MBA à distance, il faudra reconnaître l'importance accordée traditionnellement, dans un tel programme, aux rencontres avec les pairs et au travail d'équipe. Cela doit certainement se faire en amont de toutes les autres analyses, si on veut répondre réellement aux besoins d'ensemble des étudiants. Au-delà des besoins individuels, il y a donc un certain nombre de besoins qui doivent être considérés comme appartenant à une collectivité. Ce qui est soulevé ici c'est bien toute la question des contextes de programmes ou des contextes organisationnels plus spécifiques.

Mais si nous remontons aux mécanismes de conception des programmes, il est légitime de se demander si nous tentons vraiment de répondre aux besoins spécifiques des apprenants. En première analyse, nous tenons d'abord compte des besoins de la société dans l'implantation d'un nouveau programme. Par exemple, il se développe des micros-programmes dans plusieurs universités. Ceux-ci permettent à des étudiants à distance d'aborder un domaine nouveau, sans pour autant qu'ils se sentent noyés pendant des années dans une formation plus globale. Il s'agit pour l'essentiel de programmes de courte durée pouvant éventuellement même être intégrés ou prolongés dans des programmes d'études de premier ou de deuxième cycle. Voilà une façon de répondre aux besoins de formation d'une clientèle souvent adulte et déjà professionnellement active.

Puis quand l'analyse se fait plus spécifique, par rapport aux cours d'un tel ou tel programme, on se penche sur la nature de la clientèle, qu'elle provienne du cégep ou du monde du travail. Un certain nombre de questions se posent, et cela va des techno-compétences aux niveaux de connaissances préalables des étudiants. Cela aura une influence sur les objectifs généraux et spécifiques du cours et, bien sûr, sur le choix des médias qui seront à privilégier. Ceci dit, plus souvent qu'autrement, toute la réflexion quant aux besoins demeure à un niveau assez élevé, sans qu'il y ait une réelle préoccupation de la spécificité de chaque étudiant. Dans encore bien des cas, nous sommes très loin d'offrir à l'étudiant des choix quant aux objectifs, aux ressources ou aux moyens auxquels il pourra avoir recours. Les objectifs et les contenus sont encore souvent imposés dans une majorité d'offres de formations. Différentes formules sont parfois proposées pour offrir, au choix de l'apprenant, du visuel, des textes à lire, de l'audio. Cela est un premier pas pour répondre aux différents besoins des apprenants, mais il faut reconnaître que c'est vraiment un tout premier pas. Par ailleurs, sur le plan administratif, tout peut se faire à distance : les inscriptions, la réception des documents ou l'accès à ceux-ci, sans parler d'une large part de l'encadrement.

Se mettre à la place de l'apprenant.

Un élément de réflexion qu'il ne faut pas ignorer est l'aspect social des apprentissages et des démarches d'apprentissage en formation à distance. Sur la question des besoins, nous retrouvons parmi les clientèles visées, des individus qui privilégient une démarche autonome et dans une certaine mesure solitaire, tandis que d'autres cherchent à recréer ou à retrouver la dynamique d'une salle de classe. Se mettre à la place des apprenants, c'est se mettre à la place de chaque apprenant dans un groupe et c'est ce qui est très difficile. Comment concilier, en effet, des positions ou des préférences aussi divergentes, voire irréconciliables, du moins au premier niveau. Autant il y a d'apprenants, autant il y a de façons de voir les choses. Une piste de solution qui apparaît bien intéressante pour composer avec ce paradoxe est d'offrir des choix, des espaces de travail collaboratif, des forums où l'apprenant a, sur une base volontaire, des possibilités d'échanger et de partager avec ses pairs et l'équipe pédagogique du cours. Mais cela est à évaluer, on le comprendra, sur du cas par cas.

Des outils pour sonder les besoins.

Plusieurs types de questionnaires d'évaluation des cours et de l'enseignement sont mis à contribution dans la très grande majorité des maisons d'enseignement pour cerner les problèmes, bien les identifier et chercher des pistes de solutions. Ces questionnaires sont habituellement proposés lors de la période de mise à l'essai d'un cours, mais ils peuvent également être utilisés plus tard dans le cadre d'un programme d'évaluations continues ou périodiques. Ce sont les étudiants qui ont ici la parole, au premier chef, pour identifier tout ce qui peut être apporté comme améliorations aux formations offertes. La personne chargée de l'encadrement est souvent aussi une source importante pour apporter des commentaires constructifs. Voilà d'excellents moyens pour aller chercher les besoins pointus de la clientèle. Il faut certes travailler fort pour faire ensuite les suivis et s'assurer que les bons gestes sont posés afin d'améliorer ce qui est remis entre les mains de l'apprenant. Il est intéressant de noter que le taux de réponses aux questionnaires d'évaluation tourne habituellement autour de 30% quand c'est fait par la poste et qu'il est d'environ 50% par Internet. Cela donne en soi une représentativité suffisante pour que les résultats soient signifiants et utiles. Ces réponses indiquent aux concepteurs et aux professeurs tout autant les points forts que les points à améliorer. Et cela a un double effet. Celui de confirmer l'à-propos de certains choix qui pourraient être reconduits dans de prochains cours et, évidemment, celui de questionner d'autres choix qui apparaissent moins appropriés. Cela touche autant ce qui a bien été que les difficultés de parcours, le contenu, les outils et le mode même d'évaluation. Les suggestions pour des ajouts susceptibles de bonifier un cours sont aussi, bien sûr, considérées. Ceci étant dit, dans les contextes réels d'application, il faut souligner que le professeur a toujours le dernier mot. On comprendra ici que certains sont plus réceptifs que d'autres pour apporter des modifications à ce qu'ils ont conçus comme formation.

La réflexion par rapport aux besoins des étudiants.

Au-delà des moyens, des outils et des processus d'évaluation, il importe de laisser une place réelle pour se questionner sur la nature réelle des besoins des étudiants et sur notre volonté de prendre en compte ces besoins en contextes réels. Ne s'agit-il pas ici d'un incontournable? Quelles sont nos valeurs par rapport à l'apprentissage? Quelle est notre vision de l'apprentissage? C'est en se questionnant de cette façon qu'il est possible d'en arriver à une intervention qui est plus cohérente. L'intention est justement d'établir une forme de cohérence entre la pratique professionnelle en formation à distance et les valeurs qui sous-tendent cette pratique. Il faut être ouvert à différentes façons de voir les choses et de réfléchir sur ce qu'est réellement l'apprentissage. Le besoin fondamental de l'étudiant, c'est apprendre. Notre besoin, c'est d'aider à apprendre. Il y a certes plusieurs théories derrière ça et ce n'est certainement pas inintéressant de se familiariser un peu plus avec des théories éducatives, comme le cognitivisme et le socioconstructivisme, pour enrichir notre réflexion. C'est de cette façon qu'il est possible pour nous, comme pédagogues, de préciser nos convictions éducatives pour aller dans une pratique qui est un peu plus collée à cette réflexion. C'est aussi de cette façon qu'il sera possible d'éviter de se conforter dans des pratiques qui peuvent parfois se qualifier de pratiques inconscientes. Ainsi, nous pourrons peut-être amener l'étudiant à apprendre encore mieux. Et que ce soit à distance ou en salle de classe, n'est-ce pas là notre but?


Les besoins inconscients des apprenants.

Une des bonnes façons de prendre en compte les besoins non exprimés des étudiants en FAD est de leur faciliter la communication. Et compte tenu que les étudiants ont des profils, des intérêts et des besoins qui diffèrent de l'un à l'autre, il faut probablement leur offrir des espaces libres où ils auront le choix d'aller ou non pour partager entre eux de façon informelle, pour co-construire un savoir en s'alimentant les uns les autres. Ici la clé semble être dans le choix. Différentes expériences démontrent qu'il y a un intérêt évident pour l'offre d'un café étudiant sur Internet pour établir des contacts ou échanger de l'information. En plus de favoriser souvent l'apprentissage, plusieurs témoignent du fait que cela rend le cours plus intéressant et plus productif. On parle souvent aussi de l'aspect stimulant de faire partie d'un groupe et de pouvoir partager, au sein de ce groupe, différents points de vue. Cela crée un sentiment d'appartenance. Ceci dit, l'étudiant qui ne désire pas ou qui ne peut pas participer à de tels échanges ne se sentira habituellement pas lésé, car le choix lui revient. C'est beaucoup la question des liens entre émotions et cognition qui est aussi soulevée ici.

       

Le wiki comme outil de partage et d'apprentissage.

De nouveaux outils, comme le wiki 2 et les blogues 3, émergent comme nouvelles ressources dans des environnements d'apprentissage médiatisés. Pour le wiki, pour prendre celui-là comme exemple, nous pouvons dire qu'il s'agit d'un bel outil de communication qui demande cependant un certain contrôle pour ne pas que les étudiants s'éparpillent. Le wiki a donc pour fonction de favoriser la discussion en utilisant notamment l'hyperlien sans pour autant, par exemple, qu'il soit nécessaire de redéfinir de façon répétitive un terme si la définition existe déjà. Il pourrait être intéressant de visiter à ce sujet le site de Wikipedia 4 pour en connaître plus.

Le wiki demeure, pour l'essentiel, un outil de travail collaboratif pour développer des contenus ou pour faire du commentaire. C'est un genre de forum de discussion mieux « équipé » pour la co-construction à des fins d'apprentissage. Mais sans entrer dans le détail de ce que sont ces outils, il faut retenir ici que ces nouveaux outils permettent beaucoup de flexibilité par rapport aux contenus. Pour ceux qui sont en éducation et qui préconisent ces nouveaux outils; le point de départ, c'est de reconnaître que ces outils apparaissent comme plus démocratiques. Dans une certaine mesure, ces outils redonnent aux étudiants le pouvoir de faire leur chemin et d'apprendre de façon beaucoup plus souple. Souvent cela semble correspondre davantage à leurs besoins. Et, il faut le reconnaître, cela va tout à fait dans le sens de ce qui est discuté aujourd'hui.

En deux mots, ce qu'il faut retenir.

Le sujet de la discussion d'aujourd'hui ouvre plusieurs pistes de réflexion et d'interventions afin de mieux reconnaître les besoins des apprenants et de pouvoir y répondre de façon plus éclairée. Pour réfléchir et pousser plus avant cette réflexion, nous pourrions mettre sur la table quelques idées ou orientations que nous devrions probablement toujours garder à l'avant-plan de nos préoccupations. Parmi celles-ci :

  • Donner aux apprenants le plus de possibilités en termes de moyens d'apprentissage.
  • Être réellement à l'écoute des besoins pour mieux s'adapter.
  • Réaliser qu'il y a autant de réponses que d'apprenants. Le défi, c'est de proposer des environnements enrichis d'apprentissage afin de pouvoir proposer le plus grand nombre de réponses attendues.
  • En ce sens, proposer des contenants adaptés avec des contenus modulables.
  • Pousser toujours plus loin la réflexion et avoir, comme pédagogues, de l'ouverture, de la souplesse, bref, faire preuve de flexibilité.

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Documentation complémentaire et sites recommandés

(Table du 18 novembre 2004)

 

Table de consultation et d'échanges techno-pédagogiques sous le thème :


Les besoins des apprenant(e)s en formation à distance.

Quels besoins?



RÉUNION DU 10 FÉVRIER 2005

Les intervenants ayant participé à cette audioconférence étaient :
  • Denise Paquette-Frenette (Université Brock; Ontario)
  • Mireille Caron (Université de Moncton; N.-B.)
  • Nicolas Gagnon (Université Laval; Québec)
  • Paul Thériault (CCNB-Péninsule acadienne; N.-B.)
  • Sophie Godbout (Conseil des écoles publiques de l'Est de l'Ontario)
  • France Vachon (Éducacentre; C.-B.)
  • Aurèle Michaud (CCNB Bathurst; N.-B.)
  • Claire David (Télé-université; Québec)

Rappel : Le texte qui suit fait état de réflexions et de pistes de solutions qui proviennent d'échanges où étaient invités des intervenants du milieu. Il s'agit d'un compte-rendu d'une audioconférence proposée par le REFAD à l'hiver 2005.

 

La parole aux étudiants.

Abordons cet échange sur les besoins des apprenants en FAD en examinant tout d'abord ce que certains étudiants expriment sur le sujet. En préparation à cette table, une question a été lancée à des étudiants qui suivent des cours en ligne afin de sonder leurs besoins. L'exercice n'avait pas une visée strictement scientifique, mais l'intention était d'obtenir des commentaires de la bouche même des principaux concernés. Parmi ces commentaires, plusieurs étaient très positifs, d'autres moins. Voici, quelques exemples représentatifs des réponses reçues des étudiants :

  • Nous désirons plus de cours en ligne car ces cours répondent plus facilement à nos besoins de flexibilité dans le temps.
  • Le support technique, les contacts possibles avec les autres étudiants, les réponses rapides des responsables de l'encadrement sont des éléments très appréciés.
  • Les forums de discussions et l'aide proposée pour atteindre les objectifs pédagogiques sont également perçus comme un bel avantage de l'approche.
  • Ce qui est moins positif, c'est le temps nécessaire pour s'habituer au nouvel environnement de travail et le sentiment de solitude parfois ressenti.

Afin de compléter ce tableau plutôt favorable, quand on tient compte de l'ensemble des réponses reçues, une démarche parallèle a également été entreprise pour questionner aussi les professeurs et les concepteurs sur la prise en compte des besoins des étudiants. À partir de leurs réponses, quelques idées ressortent ici comme particulièrement représentatives :

  • Les trois premières semaines d'un cours à distance sont les plus importantes. Les besoins d'encadrement, de support administratif et technique sont habituellement beaucoup plus grands durant cette période.
  • Le support technique est probablement le plus demandé au démarrage d'un cours, surtout par les étudiants qui en sont à leur première expérience à distance. Cela concerne souvent les forums de discussion, les autoévaluations et l'accès aux bases de données.
  • Un certain nombre d'étudiants vivent de l'insécurité avec la plate-forme de formation en ligne. Il y a certes la dimension des « techno-compétences » qui est en cause, mais il y a aussi un ajustement à faire qui concerne davantage le domaine des émotions.
  • La clientèle universitaire est une clientèle qui est par définition particulièrement hétérogène. Dans la clientèle étudiante qui nous concerne ici, 40% ne sont pas à l'aise avec les technologies et 80% n'ont jamais suivi de cours en ligne. Il faut comprendre les particularités des universités qui deviennent bimodales et s'efforcer de répondre au mieux aux besoins de chaque étudiant, en contexte.
  • Il faut aussi aider les étudiants à distance à maintenir le rythme d'un cours en ligne. Ce type de cours est souvent perçu au départ comme plus facile qu'un cours en présentiel, mais la réalité rattrape rapidement ceux qui partagent cette croyance.
Mais comment répondre aux besoins?

L'encadrement est certainement la clé. Que l'on parle d'encadrement pédagogique, de support administratif ou technique, il faut proposer aux étudiants des façons de trouver rapidement des réponses adéquates à leurs questionnements. Il faut aussi créer un climat de confiance entre les principaux acteurs : étudiants, professeurs et responsables de l'encadrement. C'est important. À cet effet, le premier contact auprès de l'étudiant est déterminant, et ce sans égard au fait que ce contact soit fait par téléphone ou par vidéoconférence.

Cet exercice réalisé en questionnant les étudiants et les professionnels en FAD a été à l'origine d'une intéressante réflexion. Il faut incidemment réaliser que la clientèle étudiante est hétérogène et qu'elle va continuer à l'être. Cela nous demande de fournir une attention particulière et un haut niveau d'écoute. La situation retenue ici ne concerne pas un très grand groupe d'étudiants et cela favorise très certainement le dialogue et l'échange avec ceux-ci. Ce qui nous amène à penser que l'offre d'un encadrement de qualité n'est probablement pas étrangère au fait que le taux d'abandon soit ici relativement bas.

Mais ceci étant dit, il faut continuer à se questionner sur la réalité des choses. Par exemple :

  • Peut-on dire qu'on répond vraiment aux besoins quand le taux de désistement est faible?
     
  • Si la note finale d'un cours est satisfaisante pour l'étudiant, peut-on dire que nous avons répondu à ses besoins?
     
  • L'atteinte des objectifs du cours, est-elle une mesure d'une bonne réponse aux besoins de l'étudiant

Chose certaine, la réflexion mérite d'être poursuivie.

Ouvrir sa pratique à la flexibilité.

Il semble important de définir, d'entrée de jeu, le groupe cible auquel on va s'adresser. Est-ce que le groupe va être homogène? S'adresse-t-on à des étudiants de niveau MBA? S'adresse-t-on à des étudiants de niveau secondaire? Les besoins peuvent passablement différer d'un groupe à un autre. En ce sens, nous pouvons tirer la conclusion qu'il faut concevoir un design qui soit le plus souple possible ou le plus adaptable possible. C'est ce qui répond souvent le mieux aux besoins des apprenants. Incidemment, on parle souvent des besoins des apprenants en formation à distance, mais on ne précise pas souvent qui est le groupe cible. L'identification des groupes cibles est très probablement un incontournable pour préciser ce que sera tant le support pédagogique que le support technique.

Des principes pédagogiques.

Il faut aussi regarder les principes pédagogiques sur lesquels il faut s'appuyer. Par exemple, si nous croyons utile de favoriser les activités qui engagent les étudiants, si nous voulons faire référence aux connaissances antérieures, utiliser les problèmes d'actualités ou encourager la coopération, nous proposerons alors des approches et des technologies qui faciliteront la chose. En somme, il faut toujours s'interroger pour offrir, le plus souvent possible, des activités qui sont flexibles et adaptables. Par exemple, il peut être intéressant de diviser les travaux de session en plusieurs travaux plus courts afin de pouvoir donner des feed-back plus fréquents. C'est également par les choix offerts que l'étudiant pourra s'approprier plus facilement la démarche du cours. Il faut très certainement s'éloigner des approches trop directives pour offrir plus de flexibilité.

Une autre question apparaît particulièrement importante afin de répondre aux besoins des apprenants. C'est le feed-back. Plus on est capable de donner du feed-back aux étudiants, plus on est en mesure de le faire rapidement, mieux c'est. Cette question ne s'applique-t-elle pas d'ailleurs également à distance et en présentiel?

Répondre aux besoins. Une chimère?

Il est possible d'éprouver une certaine ambivalence quant à cette question des besoins des apprenants en formation à distance. Pouvons-nous réellement répondre aux besoins de cette clientèle hétérogène? Il faut sûrement y croire car cela fait partie des éléments canoniques de l'éducation des adultes depuis les années 70. Les adultes sont certes capables d'exprimer leurs besoins, ce qu'ils veulent apprendre et comment ils veulent l'apprendre. Par contre, il est très difficile de porter une attention particulière pour répondre à des besoins souvent très spécifiques. Il apparaît aussi ardu de définir des curriculums adaptables et les styles d'apprentissage correspondant aux préférences des étudiants adultes. Dans la pratique, il y a d'ailleurs assez peu de situations où l'on fait de réelles analyses de besoins.

Une des questions posées en préparation à cet échange était : « Comment faites-vous pour déterminer les besoins inconscients des apprenants? ». Comme il semble déjà difficile de répondre aux besoins conscients ou exprimés, comment alors répondre aux besoins inconscients? Une façon de répondre à cette question est, croit-on, de s'intéresser de près aux besoins cognitifs, métacognitifs et motivationnels. Cela suppose ici une communication en continue avec les étudiants, une volonté ainsi qu'une capacité d'apporter les ajustements souhaités, au fur et à mesure qu'ils deviennent requis. La grande difficulté, c'est que souvent les organisations n'ont pas cette capacité de revisiter les environnements d'apprentissage et les contenus afin qu'ils soient toujours actuels et adaptés.

Même si nous connaissons les besoins sur le plan pédagogique, même si nous connaissons les styles préférés d'apprentissage, que fait-on et surtout que peut-on faire avec? Une enseignante disait récemment : « J'ai 25 étudiants dans ma classe, mais quand je fais la liste des besoins identifiables, je dois répondre à 52 besoins. Chacun a des besoins diversifiés et le même besoin ne revient pas toujours d'un étudiant à l'autre. ». Dans de telles conditions, on peut prendre la mesure du défi!

Récupérer des pratiques intéressantes.

Quelque soit le niveau d'enseignement, il est possible de s'inspirer ou de recourir à des pratiques qui semblent favoriser les processus de création d'environnements d'apprentissage mieux adaptés aux besoins. À cet effet, il est possible d'aller voir, par exemple, ce qui est offert aux concepteurs de cours à distance dans l'espace du « BAC Vert » de la Télé-université 5 . Plusieurs approches y sont proposées. Il suffit de les récupérer du bac.

Il est aussi possible de simplement garder l'oil bien ouvert pour regarder ce qui se fait dans d'autres cours offerts à distance ou dans d'autres maisons d'enseignement. Souvent, les stratégies ou les approches qui y sont proposées peuvent être retenues avec succès pour d'autres formations à distance ou d'autres contextes 6.

C'est d'ailleurs ce qui peut être le cas pour les différentes activités d'encadrement offertes aux étudiants de second cycle en FAD à la Téluq. Ici, la préoccupation première est d'être branché sur les étudiants. Il n'y a pas eu de longues études pour identifier les besoins des étudiants. Mais à mesure qu'on pouvait identifier des besoins, l'équipe pédagogique mettait en place des moyens, des mécanismes et des personnes pour les combler. Il n'y avait qu'un seul principe directeur. Si un étudiant a besoin de quelque chose et que c'est possible de lui donner, on va le faire. Il faut dire que cela a pu se faire dans un contexte où il n'y avait pas non plus de grands groupes à gérer. Nous parlons ici d'environ 150 étudiants des programmes de DESS et de maîtrise en FAD.

Plusieurs moyens pour aider l'étudiant dans son cheminement ont donc été mis en place. Parmi ceux-ci, mentionnons le bulletin FAD qui est un mensuel pour dire ce qui se passe dans les programmes. À tous les mois, il y a aussi une rencontre lunaire (lundi) sur une thématique choisie à l'avance parmi les suggestions faites par les étudiants eux-mêmes. Il y a participation à la revue DistanceS qui présente des articles scientifiques portant sur la FAD. Il y a une école d'été qui permet à un certain nombre d'étudiants de commencer un cours à distance et de le terminer, en face-à-face, pendant 10 jours. Il y a aussi une journée d'étude et une journée de la recherche où l'on réunit, par audioconférence ou vidéoconférence, les étudiants autour de thèmes de recherche. Il y a de l'encadrement programme avec l'équipe programme et les chargés d'encadrement qui se réunissent une fois par trimestre pour repasser le dossier de chacun des étudiants afin de voir comment ça va. Il y a aussi de l'encadrement par les pairs, avec des pairs anciens ayant complété plus de 15 crédits de fait dans le programme. Ceux-ci se proposent bénévolement pour encadrer de nouveaux étudiants qui arrivent. Il y a aussi des cours à contenu ouvert, comme projet personnel et travaux pratiques, qui peuvent servir à l'étudiant pour répondre au besoin de développer un sujet qui n'est pas nécessairement abordé dans le cadre des autres cours de son programme. Un directeur de recherche est également là pour aider et guider l'étudiant. Tous les étudiants ont un tuteur programme. Il s'agit d'un professeur qui sera la personne ressource pour accompagner l'étudiant tout au long de son programme. Il y a aussi un coordonnateur à l'encadrement. Il faut aussi mentionner que tous les étudiants admis reçoivent un document intitulé « Le guide » qui, avec ses 12 modules, vient dire à l'étudiant ce sur quoi il peut compter et quelles sont les ressources humaines et matérielles à sa disposition. Finalement, il y a le chargé d'encadrement qui accompagne l'étudiant dans chacun de ses cours. Bref, ce qui vient d'être mentionné peut avoir l'air d'un éventail vraiment très large, mais il faut retenir que tout est vraiment ordonné autour de ce que les étudiants manifestent comme besoins.

 

Évidemment, cela représente beaucoup de travail et beaucoup de bénévolat car cette offre dépasse largement ce qui est prévu à la charge de travail des professeurs, des chargés d'encadrement et des autres acteurs impliqués. Mais il reste que c'est en passant par ces moyens qu'il devient possible d'offrir aux étudiants des choix qui peuvent vraiment faire la différence.

Il est certes réjouissant de constater que dans certains milieux d'enseignement, il y a cette volonté de présenter aux étudiants un tel éventail de possibilités pour l'encadrement. Par ailleurs dans d'autres milieux, et c'est parfois le cas de certaines universités bimodales, la FAD est le fait de quelques individus qui portent la chose à bout de bras. C'est ce que Tony Bates appelle le phénomène du « Lone Ranger ». Quand il y a dans une université une ou deux unités d'enseignement qui font de la FAD, plus souvent qu'autrement avec les moyens du bord, on comprend qu'il est plus difficile d'offrir aux étudiants un environnement d'encadrement qui soit élaboré. Il convient donc de revisiter dans ces situations à la fois les moyens consacrés à la formation à distance et sa place dans l'organisme. Une bonne façon alors d'aborder la question, c'est de se questionner sur les raisons qui font de la FAD une solution privilégiée pour certains groupes d'étudiants dans leur contexte réel d'application.

Petits trucs pour sonder les besoins.

Il y a consensus pour reconnaître l'importance qu'a le premier contact ou le premier échange avec un étudiant à distance. Ne serait-il pas possible de profiter de cette première rencontre avec les participants pour leur demander d'exprimer leurs attentes et même leurs appréhensions par rapport à l'expérience qu'ils s'apprêtent à vivre en s'engageant dans leur programme de formation? En étant proactif de la sorte, il est probablement possible d'adapter nos interventions, particulièrement si le design du cours offre une certaine flexibilité. Ainsi, même avec des groupes hétérogènes, il devient possible d'offrir une assistance sensiblement plus personnalisée.

En somme, il faut garder un canal ouvert pour la communication entre l'étudiant et les ressources d'encadrement. Il faut très certainement aussi permettre à l'étudiant d'avoir une place réelle dans son cours. Nous parlons ici de faire de la place, dans le design même, à l'expérience de l'étudiant. Il faut que l'étudiant puisse réfléchir à ce qu'il sait et à ce qu'il est en train d'apprendre. La mise en perspective de ces deux dimensions et la capacité pour l'étudiant de s'exprimer sur celles-ci, voilà des éléments susceptibles de bonifier une démarche d'apprentissage. Il arrive que des étudiants doutent de cette capacité d'utiliser leurs connaissances pour établir les bases de ce qu'ils veulent apprendre dans leurs cours. Mais si nous leur laissons de la place pour ça, rapidement ils y prennent goût et cela se traduit par un investissement personnel souvent plus important que ce qui est attendu. Quand on donne la chance aux étudiants de s'exprimer, de parler, de confronter la théorie avec leurs pratiques ou leurs expériences, on observe que les étudiants sont beaucoup plus impliqués dans un cours en ligne que dans un cours en salle de classe où il n'y a pas cette possibilité. Cela donne du sens à la démarche d'apprentissage et, dans cette mesure, il devient possible de répondre à un besoin qui n'est même pas toujours identifié au départ.

De l'individuel au collectif.

Au-delà des besoins individuels, tel que nous venons de l'aborder, il apparaît aussi indiqué de considérer sous un autre angle la question des besoins. Nous pouvons ainsi envisager la chose sous l'angle d'une collectivité, en nous interrogeant sur les programmes, les sujets et les modes de prestation pour répondre aux besoins éducatifs de celle-ci. La notion de communauté fait ici référence, par exemple, à des communautés autochtones géographiquement plus isolées ou encore à des communautés linguistiques étalées sur un grand territoire. Il convient alors de se questionner non seulement sur les démarches d'apprentissage et sur les styles d'apprentissage, mais aussi sur les applications réelles et les contextes dans lesquels il y aura transfert entre les apprentissages et la pratique. Nous pouvons donc parler tout autant ici des besoins sociaux que des besoins cognitifs. Ces démarches d'identification des besoins collectifs sont souvent nécessaires pour compléter l'identification des besoins individuels ou psychologiques en regard de la formation à distance. On pourra donc s'intéresser de plus près ici aux spécificités des communautés minoritaires ou des communautés qui sont en marge des communautés majoritaires.

L'ouverture des institutions.

Les analyses de besoins apparaissent donc très intéressantes, voire essentielles. Toutefois, dans les institutions, il n'y a pas nécessairement un arrimage entre les conclusions de plusieurs analyses de besoins et ce qui peut vraiment être réalisé sur le terrain. Les groupes humains qui interviennent auprès des étudiants ne sont pas toujours suffisamment flexibles pour s'approprier les résultats d'analyses de besoin et faire quelque chose de concret avec. Force est de constater que certaines réorganisations seraient parfois souhaitables pour raccourcir le temps de réaction, afin de proposer à l'étudiant des possibilités encore mieux adaptées à ses besoins. Même avec des recommandations très intéressantes, sur la base de données d'analyse, nous constatons trop souvent l'impuissance des institutions à passer à l'action, du moins dans des délais pouvant être qualifiés de raisonnables. Penser à changer, par exemple, le rôle ou l'horaire d'une personne constitue plus souvent qu'autrement un défi quasi insurmontable. Ici, c'est tout le concept de la flexibilité de l'organisation qui est en cause. À cet égard, s'il y a un pessimisme identifiable en FAD, il semble qu'il soit beaucoup plus en lien avec les organisations qu'avec la pédagogie.

Enfin, faut-il le préciser, le passage de l'intention à la réalisation est souvent aussi fonction des coûts impliqués. Ce n'est donc pas toujours de la mauvaise volonté, de l'incompréhension des enjeux ou une mauvaise définition des besoins pédagogiques. Il faut souvent travailler avec les moyens qu'on a. Mais ne faut-il pas aussi passer outre au sentiment d'impuissance qui est parfois ressenti pour tenter d'offrir par tous les moyens des solutions plus viables pour combler les besoins de nos étudiants?

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Documentation complémentaire et sites recommandés

(Table du 10 février 2005)

Mot de la fin.

La question des besoins, nous l'avons souligné, est fort complexe. Nos participantes et participants à cette table de consultation ont examiné soigneusement leur pratique pour mieux tenter de cerner cette question. Voici les points saillants que nous avons retenus de ces échanges lors des deux tables de discussion.

Tout d'abord quels sont les besoins exprimés par les étudiants? On ne pourrait ici faire état de tous les besoins exprimés, mais soulignons les principaux. Selon les participantes et participants à nos discussions, les étudiants :

  • souhaitent plus de cours en ligne parce que ces cours offrent davantage de flexibilité et conviennent mieux à leur horaire;

  • désirent échanger par des forums de discussion et veulent un soutien pédagogique tout au long de leur démarche;

  • déclarent avoir besoin de temps pour s'acclimater à un nouvel environnement d'apprentissage;

  • ressentent parfois de la solitude dans un nouvel environnement d'apprentissage et souhaitent davantage d'encadrement.

Selon nos participantes et participants, les besoins des étudiants seraient plus importants dans les trois premières semaines, surtout au plan de l'encadrement pédagogique, du support administratif et technique. Le support technique et le développement de techno-compétences sont particulièrement critiques pour les étudiants dont c'est le premier cours à distance.

Finalement, quelques mots clés résument bien, à notre avis, ces discussions sur les besoins : flexibilité, écoute, communication.

Flexibilité : proposer des designs de cours flexibles qui permettent de rejoindre une grande variété de profils d'apprentissage; proposer des activités pédagogiques flexibles et adaptables; offrir une variété d'activités et de ressources d'encadrement aux étudiants.

Écoute : solliciter l'expression des besoins chez les étudiants tout au long de la démarche de ceux-ci et même après que cette dernière soit terminée.

Communication : s'assurer d'une communication soutenue avec les étudiants pour vérifier la pertinence, l'efficacité et l'adéquation aux besoins.

Le dernier mot sur cette question complexe des besoins prendra la forme d'interrogations proposées par l'un de nos sites participants :

  • Peut-on dire qu'on répond vraiment aux besoins quand le taux de désistement est faible?
  • Si la note finale d'un cours est satisfaisante pour l'étudiant, peut-on dire que nous avons répondu à ses besoins?
  • L'atteinte des objectifs du cours, est-elle une mesure d'une bonne réponse aux besoins de l'étudiant?

Chose certaine, la réflexion mérite d'être poursuivie.

Recommandations

Les discussions avec nos participantes et participants nous aurons permis de lever le voile sur la question complexe des besoins des étudiants en formation à distance. Grâce à la qualité de leur réflexion critique sur la nature de leurs interventions, plusieurs pistes de réflexion sont ouvertes.

Suite à l'analyse des échanges lors de nos deux tables, les consultants mandatés par le REFAD pour réaliser ce projet proposent les recommandations qui suivent. Il faut préciser toutefois que ces recommandations n'ont pas fait l'objet d'une consultation parmi les participants.

Étant donné l'importance et la complexité de la question des besoins,

Il est recommandé, via ses différentes activités dont Vecteur, le projet de ressources pédagogiques en ligne pour la francophonie canadienne, que :

  • Le REFAD poursuive les actions entreprises pour assurer le perfectionnement des formateurs qui oeuvrent en formation à distance, notamment sur comment traiter les mécanismes de feed-back aux étudiants;
  • Le REFAD fasse connaître les recherches qui portent particulièrement sur les besoins des apprenants en formation à distance.

Étant donné que les pratiques organisationnelles ont un impact important sur la réponse aux besoins des étudiants,

Il est également recommandé que :

  • Le REFAD cible les gestionnaires d'établissement pour des sessions de formation sur l'arrimage entre les enjeux pédagogiques et la pratique administrative en FAD.


[1] Voir la référence à la section Documentation complémentaire et sites recommandés, table du 18 novembre 2004

[2] Site Web collaboratif où chaque internaute visiteur peut participer facilement à la rédaction de son contenu. La principale caractéristique d'un site Wiki est de permettre à ses utilisateurs de modifier facilement et rapidement n'importe laquelle de ses pages. Généralement, on reconnaît un site Wiki à la présence de boutons (éditer, historique, etc.) situés en bas de chaque page. Le mot Wiki vient de l'hawaïen wikiwiki qui signifie « vite ». (Source : Office de la langue française)

[3] Page Web évolutive et non conformiste présentant des informations de toutes sortes, généralement sous forme de courts textes mis à jour régulièrement, et dont le contenu et la forme, très libres, restent à l'entière discrétion des auteurs. (Source : Office de la langue française)

[4] Voir la référence à la section Documentation complémentaire et sites recommandés, table du 18 novembre 2004.

[5] Voir la référence à la section Documentation complémentaire et sites recommandés, table du 10 février 2005.

[6] Voir la référence au texte d'André-Jacques Deschênes et al à la section Documentation complémentaire, à la fin de ce document.

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